Il l'a fait ! Attendu au tournant, Rafael Nadal s'est imposé pour la dixième fois Porte d'Auteuil, 3 ans après sa dernière victoire et 12 ans après la première, confortant par là même son statut de plus grand joueur de tous les temps sur terre battue.
En méforme en 2015 - Novak Djokovic l'avait battu à la régulière en 3 sets en quarts de finale -, forfait avant son troisième tour contre Marcel Granollers l'an dernier, le dépeceur majorquin est donc redevenu le roi de l'ocre. Un couronnement historique et prévisible au regard de ses performances dans les tournois de préparation (victoires à Monte-Carlo, Barcelone puis Madrid), même si son échec contre Dominic Thiem à Rome pouvait laisser présager un millésime 2017 un peu plus ouvert que prévu.
C'était sans compter un "Rafa" en pleine confiance et en pleine possession de ses moyens physiques qui n'aura pas laissé le moindre set à ses adversaires. Avec des temps de passage rappelant les plus belles moissons de Björn Borg et l'édition 2008, quand le démolisseur espagnol n'avait laissé que 3 jeux à Nicolas Almagro et 4 à Roger Federer, lequel a déclaré forfait cette année afin de poursuivre sa préparation sur herbe et de maximiser ses chances de succès à Wimbledon.
Cette fois, Rafael Nadal a avant la finale dévoré tout cru Benoît Paire au premier tour, démembré 6/0, 6/1, 6/0 le malheureux géorgien Nikoloz Basilashvili, concassé son compatriote Roberto Bautista Agut (n°17) et profité de l'abandon d'un autre espagnol, Roberto Carreno Busta (n°20), ci-devant tombeur de Grigor Dimitrov et de Milos Raonic.
Surtout, il a pris une éclatante revanche vendredi contre Dominic Thiem (qu'il avait cependant déjà battu en finale en Principauté et dans la capitale espagnole), tête de série numéro 6 estourbie 6/3, 6/4, 6/0.
Loin de son meilleur niveau, tendu et rapidement saoulé de coups, le prodige autrichien, si convaincant en quarts de finale contre Novak Djokovic, tenant du titre qui réalise une première partie de saison très en deçà de ses standards habituels, n'aura fait illusion que le temps du...
premier jeu, en prenant la mise en jeu d'un "Fenomenadal" qui avait simplement besoin de régler la mire.
Les montagnes ont accouché de souris
Pour le titre, l'aigle de Manacor devait en découdre avec Stanislas Wawrinka, numéro 3 mondial et toujours redoutable dans les tournois qui comptent. Le Vaudois, solide face à Gaël Monfils et impérial devant Marin Cilic, avant de renverser Andy Murray lors d'une demi-finale dantesque (6/7, 6/3, 5/7, 7/6, 6/1), sans conteste le plus beau match du tournoi, avait des arguments à faire valoir.
Sacré en 2015, il n'avait de surcroît encore jamais perdu en finale d'un tournoi du Grand Chelem.
Les 2 hommes étaient aussi à égalité 3 victoires chacun lors de leurs 6 précédents affrontements. Sur le papier, il y avait donc match.
Disputée sous un soleil généreux, la finale s'est toutefois révélée elle aussi fort décevante. "Rafa" était déterminé à étouffer le talentueux suisse au plus tôt. En face, se ressentant peut-être des efforts déployés vendredi pour éliminer Andy Murray, "Stan The Man" est apparu bien vite écoeuré. Il a commis trop de fautes directes pour pouvoir s'imposer et n'avait de toute évidence ni la "caisse" suffisante pour contrer autrement que par bribes les parpaings du Majorquin, ni les ressources mentales nécessaires pour empêcher l'inéluctable.
Appliqué, précis, parfois brillant, costaud au service et dans les rares moments clefs, finalement vainqueur 6/2, 6/3, 6/1 d'un véritable one man show, Rafael Nadal redevient numéro 2 à l'ATP. Surtout, il a réussi là où Martina Navratilova a échoué à Wimbledon pour devenir le premier (hommes et femmes confondues) à triompher 10 fois dans un même tournoi du Grand Chelem. La récompense d'un énième formidable retour, amorcé dès le dernier Open d'Australie, dont il a atteint la finale, avant de récidiver à Miami et d'écraser la concurrence dès le début de la saison sur sa surface de prédilection.
La victoire et l'émotion du Phénix manacori, souvent blessé et à côté de son sujet dans les grands rendez-vous en 2016, rappellent celle d'un autre revenant, Roger Federer, fin janvier à Melbourne.
En ce premier semestre, les 2 hommes et le Tennis masculin dans sa globalité semblent avoir remonté le temps et défié ses lois.
La portée de leurs exploits, l'insigne beauté de leurs jeux respectifs, certes dans des registres très différents, et leur fair-play non feint font qu'il est objectivement impossible de se plaindre de ce retour vers le futur imprévisible en début d'année.
Un "revival" d'ores et déjà mythique, avec pour ultime chapitre en date cette monumentale "decima" à Roland-Garros d'un Rafael Nadal décidément invincible ou presque sur terre battue en 3 manches gagnantes.