Celui de Strasbourg est l’un des plus étendus d’Europe… Il couvre pratiquement toute la ville et au-delà et un tel erouv est envisagé à Londres, à l’ouest de Baker Street et de Regents Park. Mais si celui de Strasbourg est constitué de limites naturelles (fossés, murs préexistants, rivières), celui de Londres, totalement artificiel, serait formé d’une cinquantaine de poteaux reliés par du fil en nylon.
Un erouv est un périmètre délimité par des ‘’parois’’ d’au moins un mètre de hauteur ou de profondeur. Il étend, dans la religion hébraïque, l’extension du domicile. Partant, lors du shabbat et du Yom Kippour, ce qui est ‘’casher’’, licite chez soi, le devient à l’intérieur des limites de l’erouv. Avantage : pouvoir porter ou pousser des objets (poussette, déambulateur, chariot, ou pratiquement tout objet tel qu’un stylo ou un téléphone, une paire de lunettes).
Interdits très stricts
Invité chez une juive pratiquante, j’avais entrepris de faire un peu de vaisselle lors d’une courte absence de sa part.
Elle revient près de l’évier, constate, saisit une éponge qu’elle jette dans la poubelle. C’était, paraît-il, ‘’l’éponge à lait’’. Un couple de chrétiens orthodoxes voit son fils se convertir (‘’peut-être surtout pour nous emm…’’, me confia son père). En visite dominicale, il tirait une petite table et une chaise à l’écart de celle(s) de ses parents : pas question d’être contaminé par des aliments tarefs (prohibés). L’erouv est un compromis : dans son enceinte, un fardeau peut être porté, un véhicule utilisé, y compris lors du shabbat ou du Yom Kippour. Il en existe un à Strasbourg, de très longue date et de large étendue (sa minutieuse vérification a exigé récemment une quarantaine d’heures par le Beth Din et le rabbinat), mais aussi à Metz et Reims.
À l’étranger, il en est de nombreux, notamment à Outremont (Montréal), à Londres et Prestwich (Manchester), Amsterdam, et bien évidemment en Israël. Celui de Jérusalem a été décrit dans un ouvrage de Sophie Calle (Actes Sud éd.). Le second erouv de Londres couvrirait pratiquement tout Hampstead et une partie de Camden, depuis Swiss Cottage et Chalk Farm (au nord) jusqu’à Warwick Avenue (proche de Paddington). Le projet a été approuvé par le Conseil de Camden… Ce afin que les handicapés (porter des béquilles au-dehors du logis est taref ou passoul, soit haram en arabe), les personnes âgées, puissent sortir de l’allumage le vendredi soir au samedi soir. Ou que les porteurs de lunettes puissent s’aventurer au-dehors (on se demande comment les sans-logis, les SDF se débrouillent avec le shabbat et si le fil de pêche sera bien visible par tous).
Qu’est-ce qu’un mètre, au fond ?
Je suis trop profane pour discuter de ces choses mais je me demande si l’interprétation de l’interdit du prophète Jérémie (circa -630) n’autorisait pas de délimiter un périmètre par des ondes. Former un petit cercle à proximité des pôles nord et sud permettrait aux israélites de la planète entière de se conformer aux prescriptions requises. Un courant magnétique ou similaire est-il vraiment un ‘’feu’’ (et par extension un courant électrique) ? Des gentils pourraient-ils ‘’ériger’’ de telles limites pour les israélites ? Deux fossés circulaires d’un mètre de profondeur ne suffiraient-ils pas à créer un erouv planétaire ? Car finalement, l’erouv de Strasbourg remonte à l’arrivée du chemin de fer (et des talus bordant les voies) et le Paris des ‘’fortifs’’ fut décrété erouv (les fortifications furent érigées par des gentils).
Un tel dispositif pourrait permettre, sur ce point d’observance au moins, de réconcilier en partie judaïsmes réformé et orthodoxe. Provisoirement car on peut faire confiance aux religieux – en particulier les abrahamiques – pour se différencier les uns des autres…