Gaspard Proust a sorti son nouveau spectacle. Il est au Théâtre Antoine à Paris jusqu’à la fin de l’année. C’est âprement drôle, on rit de son impertinence et on est content qu’il aille si loin. C’est diablement bien écrit et les mots s’enchainent comme des notes sur une partition de Rachmaninov, avec une certaine dissonance en apparence et beaucoup de brio dans le fond. On n’y vient pas juste pour être diverti mais aussi pour être malmené tels de vieux flageolets dans une conserve de Bonduel (sur la ligne 13 à 19h12 entre St Lazare et Place de Clichy).

Et c’est souvent noir.

Le spectacle commence d’ailleurs dans le noir, personne sur scène, juste une voix qui semble venir des coulisses et dont les paroles cinglantes résonnent dès les premières minutes jusque dans les oreilles des spectateurs du poulailler tout là-haut. Les gens de l’orchestre eux, ont dû avoir les extrémités qui ont saigné, car l’humour de Proust démarre très violemment, très vite.

Un prologue amer

Il se termine dans une noirceur différente mais pas moins dérangeante. Le réquisitoire de fin est dur et froid comme du marbre, il a l’aigreur des cornichons slaves et dégage comme un effluve de membre gangréné. Quand Proust délaisse l’humour pour le constat ça fait mal, il clôture ce spectacle par un prologue pénible à écouter car malheureusement assez juste sur un XXIè siècle paumé et faisandé.

Beaucoup de sujets sensibles

Et entre temps, Gaspard Proust construit son spectacle en abordant environ 56 sujets qui rebondissent et s’entrechoquent pendant 2 heures. Les chapitres se suivent comme les tomes d’A la Recherche du Temps Perdu (pardon...) Juifs, terroristes, handicapés, enfants réfugiés, musulmans, confrères humoristes (on espère tous que Monsieur Elmaleh aura profité au soleil des rentes de la pub LCL) - l’acidité de son humour s’attaque à tous les sujets et s’attaque en particulier aux sujets les plus sensibles.

Etonnamment on ne ressent pas forcément de malaise à rire d’événements tragiques ou de situations terribles, on se dit juste que l’irrévérence bien utilisée et le mot bien manié sont des talents vraiment très appréciables sur scène.

Et on se dit aussi que s’il reste quelque chose à retenir du spectacle c’est beaucoup de mélancolie et d’amertume. L’homme aurait probablement été poète au 19ème siècle, mais comme on est en 2017 - l’ère du cynisme - il a choisi d’être humoriste.