Poutine n’aime pas particulièrement le Football, il lui préfère des sports plus nobles ou plus virils comme les arts martiaux ou la boxe. Mais voilà, la tenue d’une coupe du Monde de foot c’est un coup de projecteur unique et exceptionnel. Le monde entier regarde vers l’est et pour une fois ce n’est pas à cause d’une sombre histoire d’assassinat de diplomates.
Territoires russes, quarts de finale, succès, fierté
Cette coupe aura coûté fichtrement cher à Poutine, quelques 10 milliards de dollars (après les J.O de Sotchi il n’était plus à quelques milliards et quelques scandales environnementaux près) mais c’est un fabuleux coup de projo sur un territoire que son Présitsar a plus que jamais envie de mettre sur l’avant de la scène internationale.
Faisons un petit point sur les villes hôtes : Kaliningrad – ça nous rappelle qu’il reste une enclave russe en plein territoire polonais ; Volgograd - ça nous rappelle que les russes en 42 ont vaincu l’ennemi nazi et qu’ils ont enclenché un tournant dans l’histoire de la seconde guerre mondiale ; Saint-Pétersbourg : ça nous rappelle que culturellement et architecturalement, la Russie a compté, comme Paris a compté ; Rostov : ça nous rappelle que la Russie c’est aussi le Caucase ; Iekaterinbourg : ça nous rappelle que la Russie c’est aussi l’Oural. Si Poutine avait pu, il aurait bien installé un petit stade l’air de rien en Crimée pour souligner l’appartenance de la région à la grande Russie.
Les russes sont aujourd’hui en quarts de final et des rêves de demi-finales sont permis, ils rejoindront peut-être la France et la Belgique au club des quatre.
Poutine jubile, la situation est idéale. Il vient d’être réélu, son équipe nationale (plutôt médiocre ces derniers temps) défonce tout, c'était inespéré. Il pense déjà à un autre mandat dans 4 ans : ou comment chahuter une dernière fois la constitution.
Tout va mieux dans le meilleur des mondes sauf que…
Coup de projo sur des droits de l’homme bafoués, sur le droit de rassemblement mis à mal etc…
Le problème avec la Coupe du Monde c’est aussi que les médias s’intéressent à d’autres pans du gouvernement Poutine et notamment à certains aspects anti-démocratiques de sa politique.
Ça nous rappelle que le droit au rassemblement n’est pas respecté en Russie, les exemples d’arrestations arbitraires et de maltraitance lors de manifestations sont tellement nombreux qu’il est difficile de choisir (le 5 mai, 2 jours avant l’investiture de Poutine, des dizaines de manifestations ont eu lieu à travers le pays, 1300 personnes ont été arrêtées dont plus de la moitié à Moscou et des dizaines ont été frappées par des hommes (« tolérés » par la police russe) vêtus d’uniforme cosaques.
Ca nous rappelle également que des défenseurs des droits humains sont injustement incarcérés : Oyub Titiev, responsable de l’ONG Mémorial (dans laquelle travaillait Natalia Estemirova, journaliste assassinée en 2009) est placé en garde à vue à rallonge depuis plusieurs mois dans l’attente de la tenue de son procès pour « trafic de stupéfiants ».
Fausses accusation pour un faux procès. Il risque 10 ans de prison pour avoir essayé des faire respecter les droits de l’homme. Ca nous rappelle aussi qu’Oleg Sentsov, cinéaste Ukrainien a été condamné pour 20 ans de prison pour « terrorisme » car il s’opposait à l’annexion de la Crimée. Son état de santé aujourd’hui est préoccupant (il a entamé une grève de la faim en mai dernier). N’oublions pas qu’outre sa lourde et injuste condamnation, il purge sa peine à Labytnangui, ville située dans l’extrême-orient russe en Iamalie (pas très loin du cercle polaire) à quelques 5000 km de Kiev et donc quelques milliers de kilomètres de sa famille. On n’est pas loin d’une forme de torture comme il y en avait dans les purges staliniennes. Enfin ça nous rappelle que ça frappe toujours en Syrie… Tous ces rappels font un peu moins l’affaire de Monsieur le Présitsar Poutine.