« Tout le monde en parle », l'émission qui appelle un chat un chat... Thierry Ardisson a toujours présenté la liberté de parole comme la raison d'être d'une émission qui serait l'ultime refuge des vérités « interdites ». Rompant avec les frilosités, les conformismes ambiants, ce talk-show serait le seul où tous les discours auraient droit de cité. Cette audace ne connaîtrait donc aucune limite ? Si, bien sûr ; la forme même des émissions du présentateur en relativise quelque peu la hardiesse : on sait qu'en amont, le maître des lieux choisit ses invités, et qu'en aval, c'est-à-dire au montage, il sélectionne les propos qu'il souhaite conserver.

Mais que retranche-t-il ? On est bien en peine de le savoir. De ce remodelage technique, l'animateur ne dit quasiment rien aux téléspectateurs. Par contre, sur les limites éthiques que lui imposerait la déontologie, il se révèle plus loquace. À l'entendre, l'une des grandes règles de ce code de conduite serait la suivante : dès lors qu'un(e) invité(e) se met à tenir un discours délirant, on ne doit pas diffuser la séquence.

Le roi du talk-show

« Tout le monde en parle », comme son émission actuelle « Les Terriens du samedi », sont des talk-show, c'est-à-dire des programmes qui repose sur des causeries entre un animateur et des invités. Les émissions peuvent s'organiser autour de débats d'actualité.

Mais ces débats s'orientent toujours vers ce que les Anglo-Saxons nomment l'« infotainment », c'est-à-dire un mélange d'information et de divertissement. Ainsi les thèmes explicitement sociaux et politiques sont-ils « habillés » des oripeaux du music-hall et d'une allure informelle. Au nombre d'une petite dizaine, les personnalités conviées sont issues de milieux très divers (musique, cinéma, sport, politique...) et font chacune l'objet d'une interview spécifique.

L'ordre de leur apparition ne paraît pas répondre à une logique explicite, d'autant qu'elles sont invitées à rester sur le plateau pendant une partie plus ou moins importante de l'émission, ce qui permet à l'animateur de provoquer entre elles des dialogues et des débats « improvisés ».

Le maître du politiquement incorrect

On l'a vu, la règle d'or de ces débats, c'est le raisonnable : à partir du moment où le discours d'un(e) invité(e) paraît extravagant, la décision de ne pas diffuser l'interview va de soi.

La télévision doit s'interdire de véhiculer des racontars insensés. Sans quoi, ne risqueraient-ils pas de proliférer sans limites ? Mettant en avant son refus du sensationnalisme, Ardisson a énoncé ce qu'il présente comme une réaction de bon sens professionnel. Mais l'homme en noir ne fait-il pas ici passer l'exception pour la règle ? Car il a souvent fait de ses émission une véritable caisse de résonance pour des propos parfois ahurissants, et ce pour faire de l'audimat. A vrai dire, Ardisson est passé maître dans le marketing de la transgression et du « politiquement incorrect ». Pour preuve, il se réclame de la « révolution » Internet. C'est-à-dire d'un média à la fois avant-gardiste et alternatif, sanctuaire, désormais, des idées qui « dérangent » et des « tabous » brisés.

Une sortie fracassante

Pour illustrer cet aspect impertinent de l'animateur, revenons sur « l'affaire Milla Jovovich ». Ce 23 mars, le mannequin participe à Tout le monde en parle. « Bonsoir, vous êtes aussi charmante que ce que j'imaginais... », commence Thierry Ardisson, avant d'égrener les titres des films dans lesquels son invitée a joué, et de rappeler qu'elle a été l'épouse du réalisateur/producteur Luc Besson. Puis Ardisson, tout sourire et en anglais, explique pourquoi l'ancienne traductrice a dû être remplacée : « She didn't like very much when we were talking sex with her... » (« Elle n'aimait pas beaucoup quand on parlait de sexe avec elle »), s'amuse-t-il. S'adressant de nouveau à Milla Jovovich, l'animateur rappelle que le rôle interprété dans Resident Evil a exigé d'elle une préparation physique intense.

« Et alors, donc, beaucoup d'entraînement, beaucoup d'entraînement : karaté, kick-boxing... », précise-t-il, son énumération se trouvant immédiatement complétée par Laurent Baffie : « ... fist-fucking ! Entraînement énorme ! » Quelques minutes plus tard, à l'évocation des problèmes judiciaires de son père, l'actrice prend la porte...