Depuis 2013, plusieurs pays d’Afrique accusaient la Cour pénale internationale (CPI) de racisme, toutes ses enquêtes ayant jusqu’alors concerné des pays africains. Les chefs d’Etat mécontents y voyaient un acharnement contre le continent, en dépit même de la présence au poste de Procureur de la CPI de la Gambienne Fatou Bensouda. Accusation balayée cette année par l’ouverture d’une première enquête dans un pays du Caucase. Depuis le 27 Janvier, la CPI enquête officiellement sur les crimes de guerre et contre l’humanité commis dans le conflit qui a opposé, de Juillet à Octobre 2008, les forces armées de Géorgie et celles de sa voisine du nord, la Russiedans la province géorgienne d’Ossétie du Sud.

 

Du 7 au 12 Août, s’étaient déroulés les combats les plus violents, qui aboutirent à une victoire militaire totale de la Russie, ainsi qu’à la perte par Tbilisi du contrôle des provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud, où furent proclamées des «républiques indépendantes» reconnues seulement par Moscou ainsi que le Nicaragua, le Venezuela et l’Etat insulaire de Nauru, dans le Pacifique. En Ossétie du Sud, les civils géorgiens avaient en outre été expulsés par la force.

 

Les victimes ignorées de la justice géorgienne

 

Mais déjà, la société civile géorgienne fait entendre sa frustration quant aux méthodes de travail adoptées par la Cour.

Le Centre géorgien des Droits de l’Homme, soutenu par la Fédération internationale des Ligues des Droits de l’Homme (FIDH), a demandé une communication plus soutenue entre la CPI et les victimes, appelant par ailleurs les autorités géorgiennes à coopérer mieux et davantage avec la Cour.

 

Une mission d’évaluation menée à travers le pays par le Centre géorgien des Droits de l’Homme révèle en effet que les victimes, déjà en proie aux difficultés économiques, sociales et psychologiques engendrées par le conflit, peinaient à faire reconnaître devant les tribunaux géorgiens leurs droits en tant que victimes, leurs avocats se plaignant de n’avoir pas même accès aux dossiers dans les instances concernées.

 

Nino Tlachadze, Directrice adjointe du Centre géorgien des Droits de l’Homme, a ainsi déclaré à la Coalition pour la Cour pénale internationale, organisation non-gouvernementale (ONG) basée à La Haye : «Il est indispensable d’associer à ce processus les victimes et les communautés atteintes par le conflit, afin de leur expliquer quel est le mandat de la CPI et ce qu’elle peut faire pour elles. Si l’on veut que les procédures de la CPI au niveau national aient un impact digne de ce nom, il faut conscientiser le public géorgien et accroître les capacités d’action des autorités géorgiennes et de la société civile».

 

Échec interdit

 

Karim Lahidji, Président de la FIDH, a souligné pour sa part que «l’importance de l’enquête de la CPI ne doit pas être sous-estimée quant à cette région du monde». Un peu plus de deux ans après l’annexion de la Crimée par la Russie à l’issue d’un référendum contesté, et alors qu’ailleurs en Ukraine, des zones sous contrôle russe de fait  (les «Républiques populaires» de Donetsk et de Lougansk), sont réputées être le théâtre d’atteintes aux Droits de l’Homme échappant à toute règle, Karim Lahidji a ajouté que l’enquête géorgienne envoyait «un signal fort, qui est que les entités dont l’on se dispute le contrôle, comme c’est le cas de l’Ossétie du Sud, ne peuvent devenir des zones d’impunité, et que les principaux responsables des crimes commis doivent répondre de leurs actes».

 

Pour la première fois depuis le début de ses travaux en 2002, la CPI met en cause un Membre Permanent du Conseil de Sécurité de l’ONU – la Russie. Outre la pression des victimes et des ONG, la Cour doit donc s’attendre à subir celle de Moscou, dont la guerre de Géorgie ne fut que la première étape d’une reprise en main du pourtour ex-soviétique de la Mer Noire. Avec tous les dangers qui en découlent pour une enquête où, plus que jamais, l’échec est interdit.

 

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