Pour la majorité des intellectuels et autres érudits de l'Afrique de culture française, il est impossible d'établir un lien entre un dictateur et sa volonté de promouvoir la réussite économique de son pays. Il faut une démocratie qui fait appel à toutes les joutes politiques en lieu et place d'un dictateur éclairé. Paul Kagame, Président du Rwanda pour la troisième depuis août 2017, montre que l‘absence de démocratie n’entrave pas le développement économique. Les exemples historiques de la Corée du sud et de Singapour sont des évidences.

Comment établir les éléments du débat ?

Les prolégomènes du débat ainsi posés, interrogeons-nous sur les concepts de démocratie et de réussite économique. La démocratie politique implique le rejet de la dictature fondée sur la suppression de tous les actes politiques et sociaux de liberté (le vote pour les élections libres hors périmètres de fraude, la liberté d'expression écrite et parlée, les institutions qui jouent leur rôle de pouvoir et de contre-pouvoir). La réussite économique, selon les critères occidentaux, exige le respect d'un minimum de critères: l'accès à l'eau, l'électrification intégrale du pays,les ressources humaines , l'organisation des conditions de production agricole intensive, industrielle et des services, la valorisation d'un système de santé et d'éducation, la construction des infrastructures.

Paul Kagame est-il devenu dictateur ou l'a-t-il toujours été ?

Le Rwanda est un petit pays de 12 millions d'habitants qui se développe à grande vitesse depuis la fin du génocide qui l'a rendu tristement célèbre en 1994. 800 000 Rwandais sont morts (Tutsis en majorité, mais aussi des Hutus). A la tête du FPR (Front patriotique rwandais, mouvement de libération à majorité tutsi, créé en Ouganda, en 1987-1988 par les exilés tutsis de la première et de la deuxième république du Rwanda), Paul Kagame, grâce à l'Ouganda anglophone, a organisé les conditions de la conquête du pouvoir en chassant les barons du pouvoir rwandais représenté en majorité par les Hutus.

Kagame a réussi à rétablir la paix dans son pays grâce aux gacacas (prononcés gatchachas, système coutumier de justice chargé de dire le droit et la réconciliation et dans le même temps de juger les tortionnaires reconnus).

La victoire politique et militaire de Kagame lui a permis de reconstruire les institutions à sa main, avec un mot d’ordre : réconciliation, justice et stabilité politique.

De nombreux opposants ont été emprisonnés. Kagame est-il un dictateur ? Kagame est, semble-t-il, un modèle unique de dictateur éclairé. Son modèle n’est pas répliquable au Gabon, au Tchad, au Congo, en RDC ou au Cameroun pour des raisons liées à l’absence de Présidents éclairés dans ces pays.

Kagame et sa vision stratégique pour le Rwanda: réussite économique pour un développement pérenne

Les statistiques de la Banque mondiale montrent qu’entre 2000 et 2015, le taux de croissance de l’économie rwandais a été de 8 % par an en moyenne, une des plus fortes d’Afrique. Ce taux de croissance est le résultat d’un modèle économique articulé autour d’un partenariat public/privé au sein duquel les intérêts rwandais ont été valorisés par rapport aux intérêts privés.

Kigali a profité de l’augmentation du taux de croissance. Sur le plan de l’aménagement du territoire, des maisons et des immeubles émergent, la saleté, qui caractérise certaines villes africaines, est absente au Rwanda. Les parcs sont entretenus et le Rwanda devient le petit Singapour de l’Afrique.

Kagame a mis l’accent sur le développement des ressources humaines et sur l’utilisation de l’innovation comme facteurs de transformation de l’économie. Cette expansion économique ne concerne pas uniquement Kigali, la capitale, mais aussi les villages où chaque villageois reçoit des crédits pour développer son lopin de terre. Des cafés, des commerces high-tech ainsi que des bureaux de haut standing émergent à Kigali et le Kagame souhaite créer une Silicon valley en 2018 qui serait la cité de l’innovation irradiée par les nouvelles technologies qui couvrent aujourd’hui à peu près 50 % du territoire.

Les autres dirigeants de l’Afrique centrale peuvent-ils l'imiter ? Rien n’est moins sûr, certains estiment que cette présentation ne correspond pas à la réalité. C’est un trompe l’oeil, mais les faits sont là, têtus, et montrent la volonté de Kagame de travailler à long terme pour le développement économique de son pays en s’inspirant des exemples asiatiques (Corée du Sud et Singapour) même si les contextes historiques de valorisation du modèle occidental sont différents de celui du Rwanda actuel. Le cas du Rwanda est-il exportable dans d’autres pays d’Afrique noire francophone ? On peut en douter.