Elizabeth II aura régné toute sa vie. Sa vie est son règne. Son règne est sa vie. C'est une vie qui a rencontré l’Histoire, tout d’abord. La doyenne des têtes couronnées d’Europe a eu pour interlocuteurs tous les géants politiques de la planète, de Winston Churchill à de Gaulle en passant par John F. Kennedy et Nehru. Sous son règne, le royaume a démontré qu’une nation pouvait renaître des cendres d’un équilibre ancien. Née en 1926, l’année de la grande grève générale, adolescente pendant la Seconde Guerre mondiale, couronnée en 1953, la reine a partagé toutes les émotions de la nation.
Par ses souvenirs familiaux, elle appartient à la fois à la génération de l’entre-deux-guerres qui a profondément marqué son enfance, et à celle de l’après-guerre. Son parcours a permis une continuité au milieu des ruptures : socialisme d’État et conservatisme social, puis thatchérisme et blairisme.
Une vie politique
La reine a toujours eu une relation très forte, personnelle et intime avec tous ses Premiers ministres, douze à ce jour. Le gouvernement est celui de Sa Majesté. Officiellement, la monarchie délègue ses pouvoirs au Premier ministre et à son cabinet qui les exercent en son nom. La reine est le symbole de l’État. C’est son unique rôle. Depuis le début de son règne, elle a scrupuleusement veillé à ne pas s’ingérer dans les affaires du gouvernement en faisant connaître sa position.
Cela ne veut pas dire qu’elle n’en a pas, mais elle ne confond jamais ses convictions personnelles avec les devoirs de sa charge. Rien ne dit qu’il en sera de même à sa disparition. Le prince Charles se verrait bien en monarque interventionniste. Qu’il prenne garde ! Il romprait l’équilibre savamment élaboré par sa mère durant soixante ans.
Aucun retour en arrière n’est possible, sauf à mettre en péril l’existence même de la monarchie.
Une diplomate
Elizabeth II est sans doute la Britannique qui a le plus voyagé au monde, avalant des kilomètres qu’elle a jalonnés de sourires et ce sans passeport puisqu’elle en est exempte. Elle écoute formidablement et sait déjouer les pièges de la politique.
Sa mission consiste seulement à mettre de l’huile dans les rouages des relations internationales du Royaume-Uni, notamment dans « son » Commonwealth, ce qui subsiste aujourd’hui de l’Empire britannique. La France est le pays européen que la reine a le plus souvent visité. Son français impeccable l’a d’ailleurs aidée dans ses relations avec le pays qu’elle connaît le mieux, le Canada, sur lequel elle règne également. Ses convictions pro-européennes sont fondées sur l’expérience de la Seconde Guerre mondiale, qui l’a profondément marquée durant son adolescence, et sur sa prise de conscience de l’indispensable réconciliation avec l’Allemagne.
Le personnage médiatique
Personnalité réservée, timide, distante, la souveraine a horreur de se livrer en public.
L’ère de la télévision est celle de l’émotion et de l’affect. Malgré sa répugnance, Elizabeth II a toujours été attentive à son image, à la symbolique de sa fonction. Elle considère les médias comme un mal nécessaire car, à ses yeux, l’existence de la monarchie dépend beaucoup de son image publique. La souveraine maîtrise le verbe en même temps qu’elle l’économise. Dans ses discours traditionnels de Noël, son ton est sobre et tranquille.
Une femme traditionaliste
Femme croyante et fidèle, elle aura probablement été la femme d’un seul homme. Elle aspirait à une vie de femme anglaise provinciale, campagnarde. Sans le dire vraiment, la reine a laissé entendre que si elle avait eu le choix, elle aurait volontiers échangé son existence royale contre une vie rurale.
Mais elle a pleinement embrassé ses responsabilités de tête couronnée. En la matière, Elizabeth II sera difficile à égaler. Dans son esprit, le protocole, le cérémonial, la préséance, toutes ces règles qui peuvent paraître inutiles et d’un autre âge aux non-initiés garantissent la pérennité de la monarchie britannique. En respectant la tradition, elle maintient la distance nécessaire entre la monarchie d’un côté et, de l’autre, l’exécutif et le législatif qui ont, eux, la primauté politique. Alors que la popularité du mouvement républicain est au plus bas, celle de la souveraine est au zénith. Le lion et la licorne, l’étendard royal, résume bien cette réussite : d’un côté, la puissance et le réalisme, de l’autre l’imagination et la fantaisie.