Samedi 20 janvier 2018, Bocuse s’est éteint à l’âge de 92 ans. "Le pape de la gastronomie" a marqué durablement le paysage culinaire français et a inspiré la relève. Retour sur les hommages rendus par ses confrères et l’héritage culinaire transmis par Paul Bocuse.
De nombreux hommages
Paul Bocuse a été l’ami de grands chefs cuisiniers. Le 20 janvier 2018, Joël Robuchon (mort en août 2018) a tenu à faire l’éloge du fin gastronome pour les Bocuse d’or suisses.
Amis de longue date, il a partagé avec lui son goût pour les recettes du terroir. Pour Robuchon : "Il a sorti les cuisiniers de leur cuisine. Autrefois, c'étaient les maîtres d'hôtel qui faisaient les cartes des restaurants. Il a su faire reconnaître le métier de cuisinier en affirmant que c'était au cuisinier de faire connaître sa cuisine".
Jean-Luc Petitrenaud n’a pas dérogé à la règle. A de nombreuses reprises, Les escapades de Petitrenaud ont mis en lumière la richesse de la cuisine lyonnaise. Le chef, sur le plateau d’Europe 1, peu de temps après sa mort, a aussi brossé un portrait élogieux de Paul Bocuse.
Selon lui, Bocuse a été un chef anticonformiste, gentil et "ennemi des modes gastronomiques". Paul Bocuse a toujours cru en la cuisine de Petitrenaud, le désignant comme "un empereur" qui "avait besoin d’aimer et d’être aimé avant de cuisiner".
Un patrimoine culinaire gargantuesque
A la tête d’un patrimoine gargantuesque, l’auberge du pont de Collonges, classé 3 étoiles, n’est qu’une mise en bouche. Située au Nord de Lyon, il s’agit d’une aventure familiale. Digne héritier de ses parents, il en prend rapidement les rênes. Touche incontournable du chef, le respect de la tradition (bouchons lyonnais et cuisine traditionnelle) se mêle à une quête de la subtilité. Au menu, saucissons briochés, gratins dauphinois et autres mets du terroir. Le décor est à la fois spectaculaire et authentique.
Plusieurs de ses plats sont devenus des incontournables : soupe aux truffes noires, loup en croute feuilleté avec sa sauce Choron ou encore le rouget barbet en écaille de pommes de terre croustillantes. Une des employées de l’auberge se souvient d’un homme accessible et agréable, "proche de ses clients et de son équipe". Il a aussi tenu six brasseries à Lyon dont le Comptoir de l'Est et la Brasserie des Lumières. A Lyon, il a acquis le restaurant Marguerite et le Fond Rose. Sa notoriété est internationale : il a aussi marqué le Japon avec l'acquisition de huit brasseries, à présent dirigés par le chef japonais Hirotoshi Hiramatsu. Bocuse est un chef précurseur car c'est l'un des premiers Français à exporter sa cuisine au pays du soleil levant, dès la fin des années 70.
Clélia, habitante de Lyon depuis 10 ans tient un blog culinaire 'Les gourmandises de Clélia'.Elle a déjà rencontré Paul Bocuse a l'abbaye de Collonges et souligne sa disponibilité : "C'est un grand homme qui a su rester simple et chaleureux.Il était souriant et prenait plaisir à papoter avec les convives du jour". A noter : l'alliance de la perfection et de la simplicité, un autre point qui l'a marquée : « Tout est simplement parfait. Chaque chose a été étudiée au millimètre près afin de faire vivre aux gourmands une expérience unique. L’art de la table est impeccable jusqu’à la précision d’alignement des couverts. Le service est orchestré à la perfection par une armée d’oenologues, serveurs, cuisiniers", peut-on lire sur son blog.
Plusieurs nominations
Nommé cuisinier du siècle, il est aussi désigné "pape de la gastronomie" en 1989. Le chef d’exception obtient une première étoile en 1958. Quelques années plus tard, il est décoré de sa troisième étoile au guide Michelin. En 1979, le chef décide d’exporter sa cuisine à l’étranger. C’est d’abord au Japon qu’il largue ses amarres. Rapidement, il devient une icône auprès de la population avec ses épiceries fines et ses auberges. En 1982, il ouvre un pôle de restauration à Orlando, au beau milieu du parc Disneyworld. La revue Paul Bocuse est la cerise sur le gâteau. Publiée dès 2016, elle promeut l’art de vivre et culinaire enseigné par le chef à travers des recettes, visites des coulisses des brigades de cuisines et rencontres avec des cuisiniers talentueux.
La relève du pape de la gastronomie
Révéler le meilleur de la cuisine de terroir a été son leitmotiv. De nouveaux jeunes restaurateurs sont prêts à prendre la relève. A la charcuterie Sibilia, fournisseur de nombreux restaurants et brasseries du chef, le patron Bruno Bluntzer souligne la familiarité d’un chef hors-norme : "Il avait un côté humain et formateur tout en gardant son professionnalisme". Bruno s’est fixé l’objectif de perpétuer les traditions comme le faisait Paul : "C’était comme un membre de notre famille impliqué dans la transmission de ce qu’il appelait la tradition simple. Pour lui un bon pain et de la rosette c’était déjà de la cuisine". Au Pily, restaurant de Cherbourg, un cuisinier est de cet avis. Il s’est souvent rendu au Pily : "Il ne manquait jamais l’occasion de nous dire que nous étions la relève".
Le chef a toujours voulu transmettre sa cuisine aux plus jeunes.
La Fondation Paul Bocuse et l’Institut Paul Bocuse, centres de formation de jeunes cuisiniers, révèlent de nouveaux talents. La Fondation Paul Bocuse éveille la jeunesse à la profession de cuisinier. Paul, président d’honneur de la fondation, s’est souvent exprimé sur la nécessité d’accompagner les jeunes dans leur apprentissage. Crée en 2004, celle-ci soutient les projets professionnels et les programmes d’échanges d’apprenti-cuisinier. Les programmes 'Graine de Chef' et 'Jeunes espoirs' encouragent des jeunes en difficulté à s’intégrer plus facilement dans le monde du travail. La fondation Bocuse a pu bénéficier d’une hausse des donations depuis la mort du chef. Autre lieu de formation, l’Institut Paul Bocuse, école de management en hôtellerie, restaurants et arts culinaires. L’école délivre des masters et bachelors pour les plus motivés.
En 1987, c’est à son tour de récompenser les talents de demain avec la fondation d’un concours international de gastronomie : le Bocuse d’or. Près des Halles Bocuse, autre bastion emblématique de Lyon, c’est chaque année que 24 chefs du monde entier s’affrontent au Sirha. Le championnat très médiatisé se décline en concours nationaux et continentaux.