Depuis quelques temps, des activistes africains expriment leur hostilité à la Cour Pénale Internationale, en demandant aux pays africains de déserter cette Cour. A ce sujet, beaucoup de manifestations ont eu lieu à travers différents pays d'Afrique et du monde, pour demander le retrait pur et simple des pays africains de l'institution. Notons que parmi les raisons avancées par les détracteurs de la CPI, il y a des griefs comme ceux de l'impartialité et d'un supposé racisme d'une CPI, qui serait encline à ne juger que des ressortissants africains, et jamais les non africains.
Cependant, quoique l'on puisse penser de telles récriminations, l'idée d'un abandon de la CPI par les pays africains suit son chemin. Mieux, elle est en train de produire ses effets, vu que des pays comme l'Afrique du Sud et le Burundi ont fait savoir leur volonté de se retirer de la Cour, pourtant compétente pour connaître des crimes les plus graves tels : les génocides, les crimes contre l'humanité, les crimes d'agression, les crimes de guerre...etc. En outre, la Gambie du Président Yaya Jammeh était parmi les sortants de la CPI, or, celle du Président Adama Barrow veut s'y maintenir.
Bref, loin de nous, l'idée de donner dans la polémique en soutenant, ou non, les partisans d'un retrait des pays africains de la CPI.
Nous voulons tout simplement attirer l'attention sur le manque d'une alternative crédible à la CPI en Afrique.
Un vide structurel débouchant sur un vide juridique
Malgré l'existence d'une Court Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples, l'Afrique à l'heure actuelle ne dispose d'aucun tribunal, compétent, à l'échelle continentale, pour connaître des chefs de génocides, de crimes contre l'humanité, de crimes d'agression, de crimes de guerres.
C'est la preuve que le Président Hissen Habré est jugé par le Sénégal, pays de son refuge.
Et, s'il n'y a pas de tribunal pénal à compétence continentale en Afrique pour connaître de graves crimes, cela veut dire simplement qu'en la matière, il existe un vide juridique avec pour conséquences, l'impunité totale pour les éventuels auteurs de telles infractions.
Autrement dit, pour ces crimes, dont certains sont déjà en cours sur le continent, et d'autres qui y surviendront probablement, sans la CPI, il n'y aura point de jugement, et donc, pas de justice pour les victimes. Ainsi, en l'absence de toute justice pour les victimes, le revers de la médaille en l'espèce, c'est que les Africains se rendent coupables des mêmes chefs d'accusation dont un certain nombre d'entre eux affuble la CPI aujourd'hui ; à savoir, l'impartialité et la discrimination. L'engrenage serait alors dramatique pour notre continent. En effet, sans jugement en cas de ces crimes très graves, le sentiment d'injustice sera grand, ce qui nourrira la justice privée, avec des règlements de compte tous azimuts ; car, ne pas faire justice aux victimes, c'est les mettre sur le même pied d'égalité que leurs bourreaux ; cela, personne n'acceptera.
La mise en place d'une Cour Pénale continentale doit précéder tout retrait de la CPI
Devant les enjeux nationaux et internationaux, l'Afrique est appelée à donner des gages de sécurité et de sûreté à son peuple. Cela passe par une garantie de justice. Les pays africains ne peuvent pas déserter la CPI sans avoir au préalable mis en place, une Cour continentale compétente et crédible, avec des pouvoirs répressifs élargis en matière criminelle. Une telle Cour pénale continentale devrait indubitablement s'accompagner d'une prison opérationnelle pour l'incarcération de tous les auteurs des infractions connues par la CPI.
C'est seulement lorsqu'une telle Cour Pénale Africaine sera rendue fonctionnelle, avec la démonstration d'un sérieux, que toutes les velléités d'une désertion de la CPI par les pays africains auront un sens. Avant l'installation d'une telle Cour Pénale Africaine, toutes les prétentions visant la sortie des pays africains de la CPI donnent l'impression d'une mise de la charrue avant les bœufs.