On ne sait combien de petites mains Anne Méaux et les équipes de communicants de François Fillon dirigent depuis leur poste de commandement de campagne, mais le résultat est net : les médias sont accablés de toutes parts, sans pourtant obtenir les effets escomptés. Pour cause(s). Le sparadrap du Penelopegate colle aux doigts.

Acharnement, oui

La presse (enfin, celle qui se respecte) n'a pas pour mission de louanger ou de faire du tort, mais de porter le fer dans la plaie, comme le résumait Albert Londres. Ensuite, il y a deux types d'attitude. L'une est douteuse : les attentes du lectorat.

Les communicants de François Fillon peuvent désespérer, elles subsistent. L'autre est "technique" : tout journaliste de terrain, qu'il ait été ou non formé aux faits-divers, se doit d'être mû par le principe guidant tout fait-diversier. Soit que lorsqu'il y a un os à ronger, il n'est jamais lâché, et se rogne jusqu'à ce que vraiment tout, à défaut d'être totalement exposé par le menu, soit éclairci, explicité. Certains consacrent des années au suivi d'affaires et finissent par accoucher d'un livre ou d'un essai. On peut relâcher le rythme des parutions, on ne doit jamais, jamais, laisser tomber. François Fillon se plaint que cela fera plus de deux semaines ? Que dire des Laroche et des Grégory, des habitants de la vallée de la Vologne (oct.

1984-nov. 1985 pour l'essentiel de la couverture, rebondissements en 1987, 1993, 2000, 2008, mai 2013). Et puis, la gravité deviendrait extrême, outrepassant la portée du Penelopegate, simple histoire de gros sous, si les arguments des avocats du couple Fillon étaient estimés recevables, ébauchant une jurisprudence en la matière : nous changerions de régime.

Ce danger semble écarté. Ce qui subsiste, c'est que l'argumentation de François Fillon porte en germe des troubles à l'ordre public : un énergumène peut s'estimer fondé à passer à l'acte, l'exaspération peut conduire à des affrontements. Espérons qu'il n'en sera pas ainsi. Tentons de voir les choses sereinement, tel le médiateur de France Info, assailli de courriers et courriels, de coups de téléphone, pour beaucoup concertés.

Éric Kervellec et Bruno Denaes tentent de faire la part des choses. L'argument est multiséculaire, toute affaire sensible serait une cabale. Pour le moment, aucun organe de presse ne désigne coupables les Fillon. Aux magistrats d'en décider. Il y a une énorme différence entre relever de patents mensonges, par omission ou autres, et enfreindre la présomption d'innocence. Les journalistes "accusés de faire le lit des extrêmes" ? De prôner l'insurrection qui viendrait ou la dictature en germe ? Ah bon. On est très, très, très loin de la mobilisation de la société roumaine contre la corruption, et "le Front national n'a pas besoin des journalistes pour faire son lit". Quant à la différence de traitement, il suffit de consulter les archives.

La récurrence de traitement des affaires en lien avec le FN remonte aux premiers engagements publics de Jean-Marie Le Pen (circa 1956). Trop d'info tue l'info ? C'est réel. Mais la fréquence de la requête "Penelopegate" ne fléchit pas (près de 2,5 millions de résultats). Et puis quoi ? Lundi matin (heure locale), François Fillon visitera la mosquée Noor-e-Islam (1905). Il en sera rendu compte posément par la presse. Par son lectorat ? Enfin, par diverses composantes de son lectorat, comment ? Ce n'est pas la presse qui fixe le programme de François Fillon, ce n'est pas à la presse de faire le tri entre les visites, ni de supputer les intentions et leurs répercussions. D'autres s'en chargeront.

Au fait combien de fois lit-on sur les réseaux sociaux "ce que la presse cache soigneusement" ? Vérification faite, la source est presque toujours un article de presse. La presse suisse, 24 heures (.ch), pose la question : Donald Trump est-il l'inspirateur de ce dénigrement systématique ? Bah, pas plus qu'Erdogan, Staline, Hitler, Pol Pot, Kim il-chose ou Pinochet. Tant Mediapart que Le Canard vont continuer.