François Fillon est un homme sincère, qui croit vraiment à ce qu’il imagine. Ainsi croyait-il qu’un cabinet noir de l’Élysée de François Hollande pourrait envoyer illico Nicolas Sarkozy derrière les barreaux, au besoin en fabricant des preuves. Le voilà, en compagnie de son épouse, soupçonné de faux et usages de faux (relatifs aux fiches de paye ou de présence de Pénélope Fillon). Déjà (somptueusement) vêtu pour le printemps, le voici avec des bracelets aux poignets. Non de menottes, ce qui surprend dans un pays où, selon lui, justice et police sont si sévèrement instrumentalisés par l’exécutif, mais de montres.

Ah, non, à ce prix, de garde-temps, synonyme traduisant timepiece. Provenant d’investisseurs ayant diversifié dans l’industrie horlogère. On l’imagine très bien suggérer que puisque l’un venait à Paris, l’autre aux 24 heures du Mans (où son frère se fait fort bien rémunérer), l’un et l’autre lui présentent leurs derniers modèles. Par curiosité et manque de temps pour aller les contempler chez un bijoutier. Et puis, les appréciant, il n’a pu se retenir d’en accepter le don. C’est humain. Sauf que selon le cabinet blanc, gris ou plus sombre de François Fillon à Matignon, les dits garde-temps auraient dû finir au Mobilier national. Ce que ne manquera certainement de faire François Fillon. Par mégarde, il les avait oubliés dans un chiffonnier de l’une des pièces de son château.

Il avait aussi oublié d’en remplir la fiche qu’il avait fait distribuer par son cabinet à tous les membres de son gouvernement. C’est humain. Désintéressé mais débordé, submergé de présents non sollicités, l’ex-Premier ministre avait la tête ailleurs. Mais quelqu’un, de son gouvernement ou de son cabinet, vient de lui rafraîchir la mémoire.

Jamais mieux trahi…

Sauf à imaginer une descente du cabinet noir élyséen dans les archives de Matignon, comment ne pas songer que l’un des siens a ressorti la fameuse note adressée aux ministres et membres du cabinet de François Fillon. Une note datée du 18 mai 2007 portant sur les cadeaux qu’ils recevaient : les donateurs ne s’adressent pas aux récipiendaires mais à l’État qu’ils représentent.

Partant, les cadeaux protocolaires ne doivent pas entrer « dans le patrimoine personnel du ministre ou de sa famille ». D’où la fiche à remplir dès réception, précisant nature de l’objet, matière, dimension, provenance, date de fabrication (si connue). Avec trois cases à cocher. Qui reçoit peut garder le don « pendant la durée de ses fonctions » ou « déposer l’objet dans son ministère » ou le destiner à une « institution culturelle ». Sauf que le château de la famille Fillon n’est pas (déjà) classé monument historique. Et que, contrairement au Japon, aucun Français, même pas François Fillon, n’est désigné « trésor national vivant » (Ningen Kapaokapuho). Il ne peut être exclu qu’en toute bonne foi, François Fillon se soit décerné le titre.

Un peu plus tôt en âge que les Japonais ainsi honorés. Qu’on se rassure, lors de la perquisition au château, aucun tableau de maître provenant des musées nationaux n’a été retrouvé. Et qu’on ne dise pas que les enquêteurs avaient prévenu de la date de la perquisition : ce serait pure calomnie. François Fillon aurait donc reçu, à titre privé, un ou des prêts, des costumes, qu’il aurait, dit-il, depuis, remboursés (sous quelle forme ? Des autographes ?). Mais ceux reçus alors qu’il était en fonctions à Matignon finiront donc au Mobilier national. L’inventaire sera cependant difficile à établir, François Fillon ayant parfois omis, par inadvertance, de remplir les fiches afférentes. Un grand distrait.

Il s’est comparé à Pierre Bérégovoy. C’était une légère confusion. C’était Paul Deschanel qu’il entendait évoquer (ce président du Conseil retrouvé en pyjama le long des rails près de Montargis en 1920). Mais ce dernier s’était défenestré seul. Là, avec la diffusion de cette note, on peut se demander qui des siens le pousse par la fenêtre du train électoral en marche…