Le pluriel s'appliquant à partir de deux, pourra-t-on parler de "centaines de triangulaires et quadrangulaires" lors des prochaines législatives. Soit presque un tiers des sièges attribués au second tour, avec trois ou quatre candidats en lice ? Le second tour s'impose dès qu'un candidat franchit la barre de la majorité et si, et seulement si, il rassemble le quart des inscrits. Donc, des duels et des triangulaires (par dizaines, et non centaines), c'est presque – probablement – inéluctable. Car tout candidat ayant réuni 12,5% des inscrits peut se maintenir si l'arrivé en tête n'est pas élu dès le premier tour de scrutin.

Se maintenir est coûteux, mais, si une candidate, un postulant classé "divers" (DVD, DVG) estime que son maintien le fait gagner en notoriété, et le place en meilleure position pour l'emporter, soit lors de la désignation de la législature suivante, soit lors d'autres élections (sénatoriales, européennes, municipales), la tentation du maintien est forte. Autre cas classique : le ressentiment. Telle ou tel pensait emporter l'investiture d'une formation, s'est fait "voler" la désignation du fait d'un parachutage… La seule perspective de faire chuter l'investit est une motivation forte. Les désistements découlent sinon du coût (financier, humain…) d'une nouvelle campagne, du moins le plus souvent de comptabilités entre les individus, assorties de promesses ou non, et des "amicales pressions" des états-majors, qui peuvent négocier des retraits.

Naguère, des partis – parfois de sensibilités inverses – négociaient : je désigne tel tocard, je parachute Untelle qui se cassera les dents sur telle circonscription, mon favori passe, tu fais de même dans une autre circonscription et ton ou ta future ministre passe sans problème.

PCF et France insoumise

Les limites des camps En Marche, Les Républicains (enfin, certains courants), Parti socialiste, peuvent être poreuses.

Un retrait peut être négocié, avec en contrepartie une ou des promesses, suivies ou non d'effet (promesse d'un siège au Conseil économique et social, lors d'un scrutin territorial, voire d'un emploi…). Cela peut provenir des états-majors, mais aussi des niveaux locaux ou régionaux, voire découler d'initiatives individuelles.

En revanche, du côté du Parti communiste, dont les élus sont moins disciplinés que par le passé, comme de celui de France insoumise, qui présentera nombre de candidates et candidats relativement neufs en politique (il en sera de nouveau de même côté Front National), faire fléchir une personnalité inflexible, confortée par sa cellule ou son comité de base, sera moins évident. On risque donc de voir des PCF moins bien placés que des France insoumise "ne rien lâcher", et vice-versa. De même, le FN peut vouloir se maintenir coûte que coûte, pour s'opposer au "système" ex-UMPS élargi à En Marche. Deux facteurs compliqueront la donne : la participation dont le taux influe sur le seuil pour se maintenir, la persistance du Front républicain face au Front national.

Christian Estrosi et Xavier Bertrand en ont bénéficié. Enfin, les transfuges de LR ou du PS vers En Marche pourront susciter une certaine animosité (et la mobilisation d'électorats déçus par leurs "trahisons"). Dernier point : le cumul des mandats peut favoriser une dissémination des candidatures. Des chefs de file renonçant à leur siège à l'Assemblée pour rester maire ou président d'une collectivité vont passer la main à des personnes largement moins connues, qui susciteront de plus nombreux adversaires. Autant de "chances" d'entraîner de plus nombreuses triangulaires et quadrangulaires ? En 2007, douze seulement étaient envisageables, mais 11 candidats se sont retirés. Donc, des triangulaires et quadrangulaires par centaines, on en doute fort.

Mais suffisamment nombreuses pour réserver de réelles surprises, sans doute. Et par conséquent, une répartition dans l'hémicycle très, très difficile à préfigurer pour le moment. Ce qui soulève la question d'une éventuelle cohabitation aux contours encore indiscernables. Pour pressentir ce qui se jouera, recherchez le mot-clef "Législatives" sur Blasting News ces prochains jours... Et voyez le nombre des candidates et candidats dans les circonscriptions de la capitale, des grandes et moyennes villes, et dans les zones péri-urbaines et rurales. Surveillez les répercussions du vote Jean Lassalle (qui attend pour se prononcer sur le second tour) du côté du Béarn et des Pyrénées. Dites-vous que les scores de Nicolas Dupont-Aignan ou François Asselineau ne préjugent que peu de leur poids lors des législatives.

Ne négligez pas non plus les consignes sous-jacentes de Sens commun ou de La Manif pour tous. Pensez aussi tactique : un score de Marine Le Pen au-delà de 40% peut paradoxalement favoriser les investis par En Marche, pour faire contrepoids.