Grotesque ? En typographie, synonyme "gothique". Ou "linéale". Quasiment l'épure totale d'une "fraktur". Avec son histoire de costumes (trois, pour un montant de 13 000 euros provenant du même donateur, Robert Bourgi), François Fillon a creusé encore davantage la fracture au sein de son électorat potentiel initial. Tant Robert Bourgi que la direction de la maison Berluti-Arnys réfutent que deux des trois costumes rendus par François Fillon au généreux avocats puissent provenir du prestigieux atelier de couture. Que rétorque le candidat ? "C'est totalement faux (…) mesurez-vous le caractère grotesque de ces accusations".
Mais à qui taille-t-il une salopette ? "Ceux qui ont décidé depuis trois mois – je pense au Canard enchaîné et à Mediapart – de m'éliminer de cette compétition continuent à alimenter ce feuilleton de façon invraisemblable". Où sont donc passées les menaces de poursuites en diffamation, quand sortent les noms des membres du présumé "cabinet noir" qui aurait fourni des éléments de langage à Robert Bourgi et à la direction de Berluti-Arnys ? Grotesque s'emploie aussi en peinture et décoration, peut s'appliquer à un trompe-l'œil, à des artifices. Aussi, en littérature, à la satire et au burlesque. Grotesque, le précieux ridicule, et François Fillon persiste à se caricaturer lui-même. Antonymes, selon Le Grand Robert : correct, sérieux.
Pour Le Littré, "il ne faut pas mêler le sublime au grotesque". Un programme électoral "sublime" porté par un candidat "grotesque" ? Quelle sera la prochaine bouffonnerie ? La dernière ne provient pas du candidat mais de l'un de ses plus proches soutiens.
Faux grossier
La campagne de François Fillon tient du verre à moitié plein, à moitié vide, comme la jauge de la salle toulousaine où François Fillon et ses soutiens assuraient avoir fait "un tabac".
Une photo d'Hugo Clément pour le quotidien L'Opinion a été reprise sur Twitter par Sébastien Foy, un adversaire du sénateur-maire UDI du Bourget dont la page Facebook abonde en visuels de La Manif pour tous. Il s'est clairement prononcé pour François Fillon et a posté cette photo montrant une salle à moitié vide en la faisant passer pour celle d'un meeting d'Emmanuel Macron à Lille.
Il a depuis retiré la photo de son compte Twitter mais répondu sur sa page Facebook "j'assume tout". Tout ? Méprise ou flagrant mensonge ? Sur cette photo, Sébastien Foy n'a même pas pris la peine de remplacer une affiche de François Fillon par une autre, d'Emmanuel Macron. Cette photo s'est retrouvée aussi sur le site de France Info avec ce commentaire "le compte Twitter du candidat annonce 5 000 personnes dans une salle d'une capacité de 11 000 places" (le Zénith de Toulouse). Précision : François Fillon parlait déjà depuis 13 minutes quand fut prise la photo montrant un rideau masquant les sièges vides. Grotesque. Tout comme diverses déclarations de François Fillon, comme l'a relevé Jean-Luc Mélenchon : "s'il y a un Ubu qui est dans la confusion mentale et politique, c'est plutôt lui que moi (…) il s'est pris à critiquer un accord fiscal avec le Qatar en oubliant que c'est lui qui l'avait signé".
Une signature peut-être dictée par Nicolas Sarkozy mais le dirigeant et seul employé de 2F Conseil (François Fillon Conseil) ne négligeait pas non plus de "donner" une conférence au Qatar en mai 2013. Il avait aussi remis à la presse le texte d'un discours mentionnant "l'Arabie saoudite et le Qatar qui abritent les doctrinaires de l'islam radical" mais à l'oral, il ne parlait plus que des "États", sans en préciser les noms (discours de La Villette). Celui que la fachosphère surnomme "Farid Fillon", objet "d'accusions grotesques", n'avait pas lésiné non plus, accusant, en mai 2016, François Hollande de "se rouler par terre devant le Qatar". Ah que, oui, men ist azoy wie Fillon in Frankreich, où ridicule et grotesque ne tuent pas.
"Défendons notre langue française, voyageuse, subtile et combattante" s'est écrié François Fillon. Une langue permettant de tels allers-retours, et garnie de bifurcations, il l'illustre parfaitement, et même se roule dedans. En tout cas que retourner un costume à étiquette "Made in Holland" au lieu d'un Arnys est particulièrement grotesque. Mais à quoi donc s'emploie Penelope Fillon ? On la croyait au moins affairée à choisir les cravates de son mari.