21 avril à minuit, fin officielle de la campagne électorale jusqu'à sa reprise pour le second tour. Donc, plus de Sondages la veille du vote. Nombreux sont ceux qui se fondent sur leurs plus récents résultats pour se déterminer le jour du scrutin, nombreuses sont celles qui évaluent aussi le risque ou l'influence marginale du "vote utile". Ce vote "utile", quel est-il ? Il se conçoit de trois manières. La plus faussement évidente découle de la comparaison des programmes. En fonction des revenus, de la proximité d'un départ à la retraite, de son mode de vie, de son activité professionnelle et des perspectives de carrière.
Selon un sondage catégoriel, le monde agricole délaisserait fortement Marine Le Pen en faveur de François Fillon. Mais comme l'énonce Jacques Cheminade, l'électorat vote parfois massivement contre ses propres intérêts et beaucoup moins en fonction des programmes que d'autres critères. Ce type de vote varie aussi selon l'impulsivité de l'électeur, en un dialogue de soi à soi, en fonctions de convictions profondes qui peuvent être complexes et même contradictoires. Mais, surtout, il découle d'une appréciation du vote des autres, celui de proches, de l'entourage, de celui qu'indiquent les sondages. C'est là le paradoxe. Si le premier tour est gagné d'avance par deux candidats ne convenant pas, autant voter selon ses convictions.
S'il est estimé que l'un ou l'une convient beaucoup moins que l'autre, la tentation est forte de renforcer la ou le "moins pire", en supputant que son vote et celui des autres, au second tour, creusera l'écart ou inversera le classement. Le hic : en l'état de la moyenne des derniers sondages, quatre candidats sont vraiment "dans un mouchoir de poche", avec un écart maximal de… 0,7 points.
Compte tenu des marges d'erreur, le classement actuel – Emmanuel Macron, Marine Le Pen en très courte tête, Jean-Luc Mélenchon et François Fillon tout juste derrière – risque très fort de "démentir" les sondeurs.
À peu près fiables
Hormis pour ceux qui croient dur comme fer au "vote caché" et confortent leur certitude de consultations plus ou moins fumeuses, de pseudo-sondages, la plupart des électeurs peuvent se fier aux tendances dégagées par les instituts sérieux.
Cela valait tant pour les derniers résultats sur le Brexit que pour l'élection étasunienne : l'avance du non au Brexit n'était que de deux points, égalant la marge d'erreur, le vote populaire pour Hillary Clinton a été conforme au résultat, une confortable avance pour la candidate, un Donald Trump devant sa victoire au système électoral. C'est en raison de cette fiabilité que, du 21 au 23 au soir, on risque d'avoir un résultat paraissant très improbable, inattendu, contredisant l'actuel classement. Car si Emmanuel Macron paraît "assuré" d'être en tête, pourquoi donc, dans l'électorat de gauche, ne pas "se faire plaisir". Et de ce fait, le reléguer en troisième position à quelques décimales derrière… allez savoir qui.
Si Mélenchon paraît en posture de devancer Fillon, l'électorat de droite encore indécis et tenté par l'abstention, et l'électorat centriste à présent séduit par un "petit" candidat, peuvent renverser la tendance. En réalité, le seul résultat qui "démentirait" les sondages, ce serait une troisième place pour Benoît Hamon (à plus de dix points derrière Mélenchon pour le moment). Ou que Marine Le Pen se retrouve quatrième… (au moins, aux yeux de l'opinion, cela vaudrait "démenti" même si l'analyse statistique ne peut exclure ce résultat). Les instituts de sondage verraient alors leurs résultats bouleversés du fait de l'influence… de la perception des sondages, conduisant à une issue contradictoire.
Voter "utile" ou "pour le moins pire" peut conduire à voter de pire en pire… comme de "mieux en mieux" (pour la crédibilité des instituts de sondage). La proportion des abstentionnistes déclarés et des indécis (pouvant se raviser au dernier moment) est pour l'instant telle que la composition du second tour est devenue totalement imprévisible. En tout cas si l'on s'en tient à la moyenne. Et même si le sondage Odoxa pour Le Point accentue l'avance de Macron (24,5 pts, 1,5 de plus que Le Pen), le directeur de cet institut confirme "tout est donc encore possible dans ce match à quatre". En clair : aucun des quatre ne sait plus qui il devra affronter au second tour et un duel Macron-Mélenchon ne peut être exclu.
Ce alors qu'il était considéré fin 2016 que la France "roulait" de plus en plus à droite et que le second tour se jouerait entre Fillon et Le Pen. L'incertitude est totale, tant sur le nom du ou de la locataire de l'Élysée et même de Matignon, en fonction d'une majorité dont on ne sait si elle sera nette ou très relative, avec des blocs solides ou fragiles. Déconcertant.