Donc, Youssouf El Osri, qui pourrait être "Abou Youssouf al-Belgiki", auteur de l'attentat des Champs-Élysées selon un communiqué de Daesh, signalé en route vers la France par la police belge, était resté en Belgique. L'auteur est bien Karim Cheurfi, Daesh s'est planté. Ce qui ne modifie guère la donne. Tout juste peut-on remarquer qu'il s'agit du troisième attentat récent visant des policiers (Boussy-Saint-Antoine, Carrousel du Louvre, Orly), après Magnanville (juin 2016), et le commissariat de la Goutte d'Or (jan. 2016). On peut l'interpréter diversement.

Le Pf. Jean-Pierre Filiu, spécialiste du monde arabo-musulman, y voit la résultante – moins paradoxale qu'il n'y paraît – de l'efficacité des services de sécurité français et des frappes ciblées contre des meneurs francophones au califat. En France, les derniers attentats réussis (et ratés ou à moitié-ratés) n'ont qu'une ampleur limitée en nombre de victimes. Ils sont plutôt le fait d'électrons libres, plus proches du profil de l'auteur de l'assaillant du commissariat de la Goutte d'Or que de ceux de Clément Baur et Mahedine Merabet, appréhendés à Marseille. Inversement, on peut estimer que l'attaque démontre qu'un énième renforcement des mesures sécuritaires s'impose. Ce qui supposerait que les deux candidats se proclamant les plus sécuritaires, Marine Le Pen et François Fillon, pourraient bénéficier marginalement de l'événement.

Et alors ?

Moindre répercussion

François Fillon est assez chargé de casseroles pour ne pas y ajouter la relative maladresse d'avoir évoqué une série d'attentats imminents, coordonnés. Un fait, un homme saoul ayant tenté de s'emparer de l'arme d'un policier la nuit dernière, ne lui donne pas raison mais lui épargne un démenti plus cinglant.

Qu'importe. Qu'il ait été sincère ou abusé par on ne sait qui dans son entourage est vraiment subsidiaire. Qu'il ait voulu marquer une "solidarité avec les policiers" en appelant les dix autres candidats à mettre fin à leur campagne, ce qu'il s'impose à lui-même, reste une initiative vénielle qui ne mérite guère de s'étendre.

Cela n'a rien de choquant : un concurrent, sous le coup de l'émotion ou impulsivement, aurait pu émettre le même souhait. Lui imputer une visée tacticienne, comme l'ont fait certains de ses partisans croyant dur comme fer aux "vrais sondages" qui le donneraient en tête (avec plus de 25% d'intentions de vote, et vainqueur du second tour contre Marine Le Pen), serait déplacé, friserait la malhonnêteté. D'ailleurs, quand bien même… Avec une telle présumée avance, ou en l'état du supposé réel que laissent entrevoir – avec énormément de restrictions de leur part – les instituts agréés de sondages, soit un second tour Macron-Le Pen, quelle influence ? En revanche, si un attentat d'ampleur se produisait demain ou dimanche, Marine Le Pen, qui a dénoncé "les mesures défaillantes" des ministères concernés, pourrait, ce n'est nullement assuré, bénéficier d'un vote émotionnel.

Et alors ? Elle consoliderait – peut-être – son résultat du premier tour sans certitude d'emporter le second. La question européenne est autrement plus clivante. Reste que les arrestations de Marseille sont à mettre au crédit des services, sans qu'on puisse inévitablement en tirer une meilleure appréciation globale de l'actuel gouvernement. Et vu le passé de Karim Cheurfi, une vingtaine de policiers de plus répartis le long de l'avenue n'aurait sans doute rien changé au drame. Cela affaiblira tout au plus le résultat d'un Philippe Poutou maintenant, en toute ignorance de l'événement, sa proposition de désarmer les policiers. Et alors ? Incidence : environ 0,2% (voire bien moins) répartis sur on ne sait qui.

La seule répercussion, minime, de cet attentat portera peut-être sur la participation de personnes craintives qui pourraient éviter les bureaux de vote. Cheurfi faisait l'objet d'une obligation de soins psychiatriques. S'étendre sur les répercussions de cet attentat n'a que peu d'intérêt. Lors de la primaire de la droite, Nicolas Sarkozy comptait un million "d'amis" sur Facebook. François Fillon, actuellement, en cumule trois fois moins. Et quoi ? Hormis Christian Barbier, s'exprimant antérieurement sur BFM, qui croit vraiment qu'un attentat favoriserait tel ou tel (pour lui, Fillon serait bénéficiaire : ah bon ?). C'est vrai, il y a aussi le mage Donald Trump pour considérer que l'attentat influera fortement.

Alain Bauer, criminologue, conseiller de Nicolas Sarkozy, ami de Manuel Valls, considère que les meilleures propositions sur la sécurité sont celles de… Mélenchon. On peut douter que ce soit un argument crucial. Bien clairvoyant serait celui qui donnerait les finalistes du second tour, même en cumulant "vrais" (selon ses vœux) et "officiels" sondages. Même Donald Trump ne s'y risque pas.