Fillon et Marine Le Pen sont connotés comme des pro-Poutine et pro-Russes. L’intervention américaine en Russie les met mal à l’aise et les oblige à des contorsions politiques pour condamner ou approuver les frappes américaines en Syrie. Pour les deux candidats, les frappes et le départ de Bachar ne représentent pas la solution, même si, pour Fillon, il fallait intervenir à cause des massacres liés à l’arme chimique contre les populations civiles. Pour les deux candidats, il faut établir une commission d'enquête en désignant les responsabilités et, ensuite, coordonner une action internationale en invitant tous les belligérants autour de la table, sans que Bachar ne soit écarté de la négociation.

Marine Le Pen réprouve la position de gendarme du monde de la part des Etats Unis. Dupont d’Aignan ne veut pas que l’on refasse le coup de l’Irak et de la Libye, il déplore l’attaque unilatérale et demande une commission d’enquête car il ne veut pas que l’intervention inappropriée des Etats Unis se traduise par un chaos une fois Bachar déchu. Fillon est dans l'entre-deux car, tout en demandant une commission d'enquête, il affirme sa position pro-russe dans la solution du conflit en Syrie.

L'attitude des candidats autres que Fillon et Marine Le Pen

Pour Mélenchon et Hamon, l’attaque américaine est inacceptable et condamnable car ils ne souhaitent revivre ce qu’il s’est passé en Irak en 2003. Pour Hamon, Bachar est entièrement responsable et il doit partir.

Arthaud est plus radicale et demande le départ des troupes américaines et surtout françaises du Moyen-Orient et de l’Afrique. Pour Macron, l’intervention était nécessaire mais il faut néanmoins dépasser l’aspect militariste et trouver une solution politico-militariste qui doit se terminer par le départ de Bachar. Hollande, le Président de la République, est intervenu en demandant un conseil de défense qui va se tenir à l’Elysée ce vendredi 7 avril 2017 à 19h00 pour réaffirmer la position de la France qui a toujours fait du départ de Bachar, préalable à toute négociation politique et à toute solution dans la région.

Pour Hollande, c'est une semi-victoire car il avait toujours dit, depuis 2013, que la solution passait par le départ de Bachar qui avait franchi la ligne jaune en tuant 1400 personnes par l'utilisation de l'arme chimique. La France était prête à intervenir dans une coalition emmenée par les Etats Unis: la défection d'Obama et des Etats Unis a laissé la France inactive.

La réaction contrastée de certains Etats de la communauté internationale

La communauté internationale, ce matin, par l’intermédiaire des différents Etats, a pris position. Israël et l’Arabie Saoudite sont parfaitement d’accord avec l’attitude américaine. Pour la Chine, cette frappe ciblée doit en rester là, même si la Chine sait que la Corée du Nord, qu’elle soutient, est dans le collimateur de Trump. La Turquie estime que c’est une solution de court terme et qu’il faut aller plus loin. La France et l’Allemagne, ainsi que la Russie, ont été averties par les Etats Unis avant le déclenchement des frappes. Néanmoins, l’Allemagne et la France estiment que cet avertissement à Bachar doit servir de point de départ d’une grande négociation sur la Syrie.

La Russie a demandé la tenue en urgence du Conseil de sécurité pour dénoncer l’attitude des Etats Unis car Poutine considère que c’est une agression contre un Etat souverain. Les 59 missiles américains tirés par la 6ième flotte s’invitent dans la campagne politique française. Depuis le discours du Premier Ministre De Villepin concernant les turpitudes de l’Amérique de Bush au Moyen-Orient, la France s’aligne sur un consensus global : oui pour une intervention militaire en cas de conflit mais sous le sceau du mandat des Nations Unies.

La frappe américaine devient un problème de politique nationale et étrangère pour la France

Dorénavant, avec la décision unilatérale et imprévisible de Trump et des Etats Unis de mener des actions au plan de la politique étrangère, les politiques et les candidats français à l’élection présidentielle doivent revoir leur bréviaire en matière de diplomatie typiquement française qui s’articule autour de deux objectifs qui peuvent être contradictoires : valoriser une indépendance française et participer en même temps à une action collective lorsque les conflits internationaux l’exigent.

Il faut revoir toute l’analyse de la politique étrangère française vis-à-vis des nouveaux conflits et vis-à-vis de l’imprévisibilité des dirigeants des pays les plus importants comme la Russie, la Chine et les Etats Unis. Au total, Trump se re-présidentialise de façon imprévisible. Moscou recevra la semaine prochaine Rex Tillerson, Secrétaire d'Etat américain.