Le choix stratégique de Jean-Luc Mélenchon suscite de nombreuses questions et inquiétudes : pourquoi décider de s'investir aux élections législatives dans une circonscription tenue par le PS alors que l'influence du FN grandit dans les quartiers nord ? A l'évidence, il s'agit d'un parachutage de confort, car au premier tour de l'élection présidentielle, le candidat de la France insoumise avait emporté une majorité de voix dans le centre-ville de Marseille. En revanche, il n'en est pas de même pour la 3è circonscription, laquelle a voté majoritairement pour Marine Le Pen au premier tour et lui a accordé près de la moitié des voix au second.

C'est l'arrondissement dont Stéphane Ravier est maire et sénateur à la fois, et où il a décidé de se présenter pour les législatives, préférant le siège de député à celui de sénateur. Le péril FN est donc le plus grave dans ces quartiers : Frais Vallon, La Rose, Château-Gombert, etc. Mais Jean-Luc Mélenchon préfère jouer la guerre de la gauche contre la gauche dans la 4è circonscription.

L'inversion des rôles

En 2012, alors qu'il menait sa campagne des législatives contre le FN à Hénin-Beaumont, il avait critiqué les parachutages de confort, et s'était targué de se lancer dans une entreprise difficile et dangereuse pour lui dans un bastion du FN. Or, aujourd'hui, il adopte précisément l'attitude de ceux qu'il critiquait hier, se comportant comme un baron de la IIIè République.

Cette fois-ci, il tient à obtenir son siège de député - car il avait subi un échec retentissant à Hénin-Beaumont - en se présentant dans une circonscription qu'il lui croit déjà acquise. De plus, puisqu'il se présente face à une figure historique de la gauche marseillaise, Patrick Mennucci, député sortant, il veut faire d'une victoire contre lui le signe que son mouvement dispose désormais du monopole de la gauche face au vieux PS.

Mélenchon refuse de passer le flambeau

Au lendemain de sa défaite à l'élection présidentielle, il avait considéré qu'il lui fallait maintenant passer le flambeau à ceux qui militaient pour son mouvement. De toute évidence, il a changé d'avis, et se voit légitime pour être candidat aux législatives alors même qu'il a été vaincu par les urnes - François Fillon, le candidat de la droite qui avait remporté plus de voix que lui, a pour sa part préféré renoncer, ne se trouvant plus de légitimité pour représenter la droite à cause de cette défaite, ce qui est tout à son honneur.

Autrement dit, Jean-Luc Mélenchon s'est entêté dans son refus de l'échec, quitte à passer pour un pire arriviste que François Fillon.

Mélenchon s'acoquine avec la droite... contre la gauche

Hier, lors d'une première visite dans la 4è circonscription de Marseille, il est allé à la rencontre du maire de la ville, Jean-Claude Gaudin (LR), afin de discuter avec lui des enjeux quotidiens des Marseillais. Bref, d'une certaine manière il indique qu'il ne reculera devant rien, pas même devant une alliance de circonstance avec la droite, afin de battre l'autre gauche aux élections législatives. Il est donc parti dans un combat pour fracturer encore plus la gauche, combat qu'il a entamé en refusant une alliance électorale avec le PCF, en portant plainte contre ce dernier, puis en refusant également une alliance avec EELV.

Jean-Luc Mélenchon se sent pousser des ailes depuis l'annonce de son résultat du premier tour de la présidentielle, et il se considère désormais comme le seul candidat légitime de la gauche, quitte à écraser tous les autres. Reste à connaître l'issue du scrutin le 11 juin, car une victoire face à un député tellement ancré dans sa ville tel que Patrick Mennucci l'inciterait à considérer son mouvement comme disposant du monopole de la gauche, perdu par le PS.