Le Président de la République a nommé avant-hier, dans la surprise générale, un Premier ministre de la droite modérée. Mais qu'est-ce que cela signifie au niveau idéologique ? Cet homme aurait-il vraiment " troqu[é] ses convictions ", comme l'en accuse Eric Ciotti, afin de parvenir à Matignon ? Observons d'abord ses agissements en tant que député pendant le mandat de 2012-2017, afin de cerner la possibilité ou non qu'il intègre un gouvernement progressiste.

Positions de vote

Le site internet de l'Assemblée nationale indique précisément le vote de chaque député concernant chaque dossier.

Le dernier en date, issu de la séance publique du 20 décembre 2016, est l'ensemble du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain : il a été adopté, mais notre actuel Premier ministre a voté contre, sans doute par solidarité avec sa famille politique. De plus, lors de la séance publique du 16 décembre 2016, Edouard Philippe a voté contre la prolongation de l'état d'urgence malgré le risque terroriste. Mais il nous faut en venir aux positions qui fâchent à droite, comme l'écologie, la sécurité sociale, la pénibilité du travail, le tiers payant, la transparence de la vie politique, l'égalité femme/homme.

D'abord, il y a sans doute un risque de collusion avec les intérêts privés, comme le montre son vote contre l'ensemble de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d'alerte, le 14 juin 2016.

Le même jour, notre actuel Premier ministre avait voté contre l'ensemble du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Sans surprise, le 12 mai 2016, Edouard Philippe avait également voté pour la motion de censure déposée par la droite dans le contexte du passage en force de la loi travail par 49-3.

Venons-en à la santé, car notre système traverse aujourd'hui une grave crise : lors de la séance publique du 1er décembre 2015, il s'est prononcé contre la modernisation de notre système de santé. Plus tôt encore, le 27 octobre 2015, Edouard Philippe avait voté contre l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 - comme pour celui de 2015..

Parlons emploi, à présent, car le 2 juin 2015, l'actuel Premier ministre a voté contre l'ensemble du projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi. En ce qui concerne la transition écologique, le 26 mai 2015, il a voté contre la transition énergétique pour la croissance verte. Dans le même registre, le 24 mars 2015 il a voté contre un projet de loi relatif à la biodiversité.

Et le mariage homosexuel ? En première lecture, il s'est abstenu, le 12 février 2013, sur l'ensemble du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. En deuxième lecture, il s'est également abstenu. Bref, ce qu'il faut en retenir, c'est un Premier ministre qui est contre la modernisation de notre système de santé, contre le dialogue social, contre la transition énergétique et écologique, contre la protection des lanceurs d'alerte et contre la séparation et la régulation des activités bancaires.

Qu'il soit sans avis sur le mariage homosexuel n'arrange pas les choses. En revanche il est pour le secret des affaires, pour le maintien des centrales nucléaires et à charbon, pour l'augmentation de la pression financière sur la Grèce. Le Premier ministre est davantage un réactionnaire qu'un progressiste, malgré le projet que réserve le Président de la République à son quinquennat.