C'est donc bien Édouard Philippe, dont le nom circulait depuis la passation de pouvoirs des présidents de la République (et même auparavant), qui est sorti, très en retard sur l'horaire annoncé (14h30), de la plus sobre des manières. Il y avait deux micros dans la cour de l'Élysée, une page dédiée pour un direct sur le site du gouvernement, un seul a servi et la page "suivez en direct l'annonce de la nomination du Premier Ministre par le secrétaire de l'Élysée, Alexis Kohler", est restée "muette". L'une des toutes premières personnalités à être sollicitée pour réagir a été Alain Juppé, qui a souhaité "bonne chance" à son ancien co-porte-parole (avec Benoist Apparu) pour la campagne des primaires de la droite.

Côté PS, Jean-Christophe Cambalédis s'est chargé d'évoquer la composition du futur gouvernement et de la Chambre des députés : "Maintenant, c'est clair : avec un Premier ministre de droite, le parlement a besoin de gauche".

Un centrisme fragile ?

Clairement, une partie majeure de la coalition LR-UDI souhaite une cohabitation ou une sorte de modus vivendi avec la présidence Macron. Soit, faute de pouvoir placer Baroin, ou un autre, à Matignon, à la rigueur de loger auprès d'Édouard Philippe, maintenu, divers ministres, ce qui constituerait un pacte gouvernemental, ou d'incarner une opposition non-systématique. Jean-Luc Mélenchon a pour sa part évoqué que "le vieux monde est de retour", avec un parti socialiste "déjà absorbé".

Il minimise le rôle du Front national, estimant que France Insoumise sera la seule opposition réelle à la "monarchie présidentielle", qualifiée de "césariste", d'Emmanuel Macron. Les approbations nettes sont venues des proches de Bruno Le Maire (LR), comme l'a exprimé le député Franck Riester adressant ses félicitations à "un Premier ministre compétent et doté d'un grand sens de l'État et de l'intérêt général".

L'autre nouvelle de la journée, qui n'en est pas vraiment une, est que Marine Le Pen reprend la tête du Front national et hésite encore à se confronter directement à l'électorat en se parachutant dans une circonscription. Ce ne sera pas celle de sa nièce, dont le suppléant, l'avocat Hervé de Lépinau, qui menait campagne dans la cinquième du Vaucluse, a toutes ses chances de lui succéder dans la troisième.

On remarque aussi que Jean-Pierre Raffarin est devenu le Monsieur bons offices de la présidence auprès des dirigeants chinois. Ou encore que l'ancienne ministre PS, Marie-Arlette Carlotti, ne se représentera pas à Marseille. On ne sait trop à quel point le gouvernement qui sera nommé sera composite mais on se doute que les ralliés provenant de LR n'auront pas trop mouillé leur chemise pour François Fillon après les révélations sur le Penelopegate. La sénatrice LR du Bas-Rhin, Fabienne Keller, a chaleureusement félicité le nouveau Premier ministre et laissé entendre que l'identification des points d'accord avec la République en marche devait être une priorité pour faire avancer "des réformes".

Car pour elle, le clivage (entre centre-gauche incarné par le président et droite) serait en train d'être "dépassé". Le centrisme, en France, n'est jamais resté très durablement si "central". Pour l'anecdote, on relèvera que depuis Charles Hernu (Défense, 1981-1985), très peu de ministres de premier plan ont porté la barbe… Il faut remonter aux années 1830 pour trouver des chefs de gouvernement barbus puis à Louis-Napoléon Bonaparte et Jules Ferry (1883). L'avant-dernier en date fut Albert Sarraut (1933 ete 1936).