Entre l'installation d'Emmanuel Macron et celles d'Édouard Philippe, JBDiffusion est parvenu à sortir ce 'Pot aux roses', de 'Charly' (Charles Duchêne), illustré une nouvelle fois par le caricaturiste Delambre, du 'Canard enchaîné'. Depuis 'Il présidera' (2005), c'est donc son quatorzième essai. Et d'énervé, parfois grave, de désabusé ou rigolard, le voici presque passé enragé.
Non parce qu'il soutient nettement davantage Jean-Luc Mélenchon. Nouveau, chez lui, non ce soutien, qu'on pressentait et qui n'aura jamais rien d'inconditionnel ni de complaisant, mais parce que, pour lui, la coupe à débordé. Y compris dans son quotidien. Toujours avec humour, souvent premier degré, et un franc parler rarissime à ce point dans l'édition… Le fil bleu de cet essai, c'est la campagne présidentielle, tout comme les précédents traitaient d'actualité politique. Mais finalement, le meilleur, chez 'Charly', ce sont ses digressions. Apparentes du moins car, "tout est dans tout", et "tout est politique", pour reprendre des expressions éculées.
Eh oui, comme autrefois en d'autres festivals, souvent les petits auteurs, les petits éditeurs, payent plein pot pour les vedettes soient invitées, défrayées, logées, nourries, diverties, voire rétribuées : pour faire des riches choyés, il faut des pauvres pressurés. Dans ces salons, 'Charly', c'est "L'Homme au chapeau" (son couvre-chef ne le quitte jamais). Il a toujours une nouvelle anecdote pour ses lecteurs (et amies lectrices).
Soliloque
L'intérêt de cet essai, c'est que l'auteur livre ses réflexions d'avant résultats (premier et second tour) au fil de l'eau, et elles furent contradictoires, évolutives. Avec des notes (insérées dans les textes repris, ou en bas de page), il reprend en compte l'issue.
Ce qui vaudra peut-être aux sociologues électoraux un document précieux sur les atermoiements d'une partie de l'opinion. Authentique aussi, l'expression d'un ressenti qui pourra varier : "la candidature égotiste et narcissique de ce Macron et d'un Bayrou de secours m'insupportait autant qu'un vote Le Pen, mais pas pour les mêmes raisons.". Mais quel candidat, quelle candidate, depuis Charles de Gaulle, n'est pas "égotiste et narcissique" ? 'Charly' redoute que Macron n'apporte qu'un sursis de cinq ans et que, pour des raisons s'amplifiant, le Front national ne finisse par l'emporter. C'est parier que le "couple" franco-allemand ne puisse jamais évoluer, si ce n'est en un sens encore plus fragilisant pour les moins aptes déjà trop appauvris.
On peut se poser la question : un Jean-Luc Mélenchon, en confrontation brutale avec la chancelière Merkel et le gros de l'opinion d'outre-Rhin, aurait-il su vraiment dégager les moyens de contourner une opposition allemande crispée ? En cas d'échec, l'aboutissement ne serait-il pas identique, mais en des conditions aggravées ? Emmanuel Macron fut sans doute élu "par défaut", mais Paris et l'ouest français ne sont pas composés que de gens financièrement à l'aise ou ne votant que par réflexe "frontiste républicain". Le doute s'est aussi porté sur la capacité de la 'France Insoumise', à disposer d'élus à la hauteur de la tâche et capables de rassembler au sein et au-delà d'une gauche devenue "mathématiquement minoritaire", comme 'Charly' le souligne.
Les législatives clarifieront – peut-être, et non assurément – le sort de la dynamique Mélenchon. Et si on refait hier avec des "si", porter Mélenchon au second tour, quelque fut l'adversaire, ne garantissait pas qu'il l'emporte. Mais peu importent ces différences d'appréciation, un 'Charly' vaut toujours de s'interroger avec (voire contre) lui… Et n'en déplaise (quoique...) à François et Penelope Fillon, les caricatures de Delambre sur le Penelopegate (et d'autres) sont réjouissantes. Enfin, dans cet univers de fausses nouvelles, de faux-nez, un 'Charly' prend position à visage découvert et assume. Rafraîchissant.