Vendredi dernier, Marc Ladreit de Lacharrière, patron de la Revue des Deux Mondes, qui a rétribué somptueusement Penelope Fillon, s'est vu signifier sa mise en examen. Le premier à être ainsi placé sous examen fut François Fillon, suivi de Marc Joulaud, le 24 mars, puis Penelope Fillon, le 28. Penelope Fillon sera sans doute aussi de nouveau entendue, et Le Monde, qui annonce la date de la convocation de son mari, laisse entendre que Marie et Charles Fillon pourraient aussi être convoqués ultérieurement. Penelope Fillon avait bénéficié d'une embauche dès 1980 (en tant que conseillère ministérielle aux attributions floues), mais la majorité des faits du début de la décennie 1980 sont prescrits.

Les deux "cœurs" du Penelopegate sont ses emplois d'attachée parlementaire à partir de 1986 et son poste de "conseillère littéraire" à La Revue des Deux mondes. La défense du couple Fillon est axée sur un travail réel, non pas à l'Assemblée nationale, mais dans l'ancienne circonscription de François Fillon et Marc Joulaud. Les magistrats ont demandé à la presse locale sarthoise (quatre hebdos), plus susceptibles de retrouver des éléments tendant à établir la réalité des activités de Penelope Fillon, d'éplucher leurs archives. Leur propriétaire, le groupe Publihebdos, s'y est refusé, alléguant un manque de moyens (peut-être pour ne pas avoir à endosser le soupçon de n'avoir su trouver assez d'éléments probants ou… constaté leur quasi-totale absence).

Autre aspect, François Fillon, qui avait annoncé porter plainte contre la presse pour diffamation, s'est contenté de poursuivre le seul Canard enchaîné pour infractions au Code électoral. Deux journalistes du "volatile" ont été entendu par des policiers, mais on doute très fort qu'ils aient donné des indications sur leurs sources et aucune perquisition n'a été effectuée dans les locaux de l'hebdo à ce jour… Exit le "cabinet noir".

Confirmation

La plainte contre Le Canard ne se rapporte qu'à l'article du 12 avril faisant état des emplois de Marie et Charles Fillon. Ce alors que Le Canard (mais aussi notamment Mediapart) avait sorti l'affaire du Penelopegate dès le 25 janvier, et repris, avec de nouvelles informations, le 1er février, puis le 6, le dossier.

Quant à l'affaire des costumes, elle avait été le 12 mars par Le Journal du dimanche. Dès le 16 février, des sondages ont commencé à placer François Fillon en troisième place du premier tour de la présidentielle (avant une baisse de 6,5 pts par rapport à la mi-janvier). Mais après la remobilisation de nombreux élus Les Républicains, le soutien de personnalités, il fut néanmoins estimé que François Fillon pourrait figurer au second tour et se faire élire président avec plus de 55%. Pour ses seuls emplois d'assistante, Penelope Fillon a perçu des contribuables, via l'Assemblée nationale, un total de 831 440 euros (bruts, incluant les cotisations de retraite et autres), en valeur actuelle. Le Penelopegate a fourni la matière à un livre, L'Irrésistible ascension – dessous d'une présidentielle insensée (de Soazig Quéméner et Alexandre Duyck, chez Flammarion).

Un autre essai, Le Pot aux roses, de Charly (Charles Duchesne), aux éds JBDiffusion, couvrant toute la campagne jusqu'au lendemain de l'élection, illustré par le caricaturiste Delambre, résume ainsi le Penelopegate : "plus le singe monte haut, plus il montre son derrière". L'une des conséquences du Penelopegate a aussi été de dresser une partie de l'opinion contre la "Médiacratie" et les "journalopes gauchiasses" : les rédactions du Canard, du JDD, de Mediapart, ont reçu des menaces de mort. Si l'affaire elle-même finira par s'oublier, comme tant d'autres scandales retentissants (affaire des ballets roses, 1959 ; assassinat de Jean de Broglie, 1976), il n'est pas sûr que ce douteux héritage se dissipe de sitôt. Penelopegate (inspiré du Watergate) est un vocable qui a déjà essaimé en Riwalgate, en Macrongate et Bayrougate...