Quoi que puisse en dire France insoumise, Emmanuel Macron a été plutôt bien élu. Par 66,06% du corps électoral, contre 33,94% à Marine Le Pen (avec 25,44% abstenteistes, 6,33 pour les votes blancs, et 2,22 pour les nuls). Hormis Christine Boutin (qui a dû démentir que c'était son intention) et les catholiques traditionnalistes qui lui ont attribué 60,66% des voix, un score évoquant le chiffre 666 de "la Bête" (Satan), son résultat est confortable. Que ce soit 61,1 ou 43,63% n'y change rien. Cela peut-il suffire à provoquer un effet d'entraînement lors des législatives ?
Probable. Suffisant pour lui procurer une majorité ? Dans l'attente de connaître toutes les investitures de La République en marche et du MoDem (leurs candidats ne s'affronteront pas), mais aussi le nom du Premier ministre (intérimaire ou confirmé par la suite), il semble très hasardeux de l'avancer. Sa majorité pourrait réunir 26% des suffrages, mais cela ne donnerait qu'une indication floue du nombre de sièges (entre plus de 240 et moins de 300). Derrière viendrait ce qui subsistera de la coalition LR-UDI. Loin derrière, France insoumise et le PS.
En intentions de vote, le différentiel pour FI sur le PS est de près de 10%. On peut fortement penser qu'en nombre de sièges, ce sera davantage.
Tout simplement parce que la droite LR-UDI, même divisée sur la manière de coopérer ou de s'opposer à la majorité relative, présentera des candidats à fort ancrage local. Ce sera sans doute aussi le cas du PS, mais il risque davantage d'être laminé, chutant à une quarantaine de sièges, voire moins. Pour le sauver de cette déroute, il faudrait que le nombre des duels l'opposant au FN et des triangulaires dont France insoumise serait absente (PS/FN/LR-UDI) soit vraiment très important.
Or, on ne peut prévoir ce que fera vraiment l'électorat FI, qui ne sera pas tout à fait celui de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de la présidentielle : laissera-t-il passer un candidat FN ? C'est au point où cela dépendra aussi de la direction du Front national, renforcée de fait par la défection de Marion Maréchal-Le Pen… et prompte à multiplier les vagues promesses en direction de l'électorat populaire.
Coalition éventuelle
Ce qui est certain, c'est que Jean-Luc Mélenchon, en ayant répété sur tous les tons que sa base était décisionnaire, pourra difficilement s'affranchir de candidats FI se berçant parfois d'illusions. Certes, il pourrait se retrouver chef de file de la première force politique à gauche, mais bien seul. Le PS serait étrillé, et communistes et Verts seront peut-etre laminés. Ces deux formations risquent fort d'obtenir à elles deux moins d'une demi-douzaine de sièges, si ce n'est pire. Le risque est même que FI plus le PS-PRG n'obtiennent qu'une dizaine de sièges de plus que le FN. Si LREM atteint près de 280 sièges, elle parviendra sans doute à débaucher. Si c'est moins, il lui faudra, sans nécessairement passer une sorte de "pacte de gouvernement" tacite ou avoué avec LR-UDI, composer.
L'épine au pied de LREM, c'est que nombreux – la moitié – seront ses candidates et candidats novices en politique, peu rompus aux coups tordus, aux débats musclés… Ce sera aussi le cas côté FI. Cela peut passer aussi pour un atout, mais les candidats communistes que les Insoumis auront à affronter disposeront sans doute d'une solide formation. Mais bon, l'astrologue Élizabeth Teissier prévoyait une bonne performance de FI aux législatives… mais aussi la victoire de François Fillon en raison "du transit unique dans son existence de Neptune". Reste que, tout comme le FN, FI a déjà connu des défections, des départs discrets ou tonitruants. Jean-Luc Mélenchon parviendra sans doute à s'affirmer le "leader" de l'opposition de gauche, mais en faisant le vide autour de lui… Le Front de gauche avait réussi une percée aux municipales 2014, mais c'était avec l'appui du PCF.
Mais il n'a guère su enrayer vraiment la montée du FN.
Certes, il est plus facile de faire des élections législatives des élections nationales en n'abordant que des thèmes nationaux… Mais cela marche moins bien sur la fraction la plus âgée de l'électorat, qui vote assidument. Si la stratégie de Jean-Luc Mélenchon aboutissait à un trop net recul de l'ensemble des composantes de la gauche, il aura obtenu une victoire à la Pyrrhus. Si, en revanche, il convainc une large part des abstentionnistes et des votes blancs, parvient à fédérer, lui-même ou qui lui succédera parviendra peut-être à créer une alternative de nouveau crédible. Cependant, à gauche comme à droite, une hégémonie durable d'une seule formation n'est guère envisageable. La suite, à moyen terme, dépendra des succès ou échecs économiques de la nouvelle droite (au sens très élargi du centre-droit incarné par Macron et de ce qui restera républicain côté LR).