Lors de ce détestable débat hargneux, Marine Le Pen a enchaîné les approximations et les contrevérités, d'où ce titre du Monde : "Marine Le Pen : la stratégie du mensonge".
Le quotidien a recensé 19 intox de la candidate du Front National. Le JDD n'en relève que cinq, assorties de deux approximations. Quant à la rédaction du Figaro, qui a mis six journalistes sur le sujet, elle tente l'équilibre, avec ces "quinze intox de Marine Le Pen et Emmanuel Macron". En fait 13 gros mensonges de Marine Le Pen, deux relatives inexactitudes côté Emmanuel Macron (la cellule anti-terroriste de l'Élysée existe déjà, le chiffrage des décrocheurs scolaires indiqué a fléchi depuis 2010).
Mais aucun de ces trois titres ne développe la question de l'OUIF. Effectivement, Louis Aliot, troisième compagnon de Marine Le Pen, avait bien convié Camel Bechickh, de l'OUIF, par deux fois, en 2013 et 2016, à débattre de la place de l'islam. Tout comme le FN, de très longue date, chérit les harkis, musulmans et autres, et tente de crédibiliser la page Facebook "Nous sommes musulmans et fiers de voter Marine Le Pen" (ultra-majoritairement fréquentée par des Alain, Philippe, Josiane, Odile). S'en prendre au culte musulman revenant à aussi à remettre en cause l'emprise du clergé catholique, le Front national laisse à l'ultra-droite et à la droite "hors les murs" le soin de nourrir l'islamophobie.
De même, Donald Trump mettait en valeur "ses" noirs" animistes, "ses" musulmans, et surtout la multitude des pasteurs, prêtres sikhs, ministres de cultes communautaristes. Il les avait tous conviés à la National Washington National Cathedral pour son investiture. Qu'importe le détail des mensonges de la candidate du FN, l'essentiel est qu'elle a calqué platement la méthode Trump, a pompé dans l'argumentaire des partisans du Brexit, afin d'emboucher la trompette des laissés pour compte face au George Soros français… Un avenir radieux attend la Grande-Bretagne, et c'est tout juste si elle n'a pas annoncé que Donald Trump pressurait les riches au profit des déclassés et des miséreux.
Présidentiable, elle ?
Mais elle n'est pas parvenue à se hisser au niveau d'une Theresa May ou d'un Donald Trump. Au contraire, elle a crédibilisé la stature de son adversaire, et s'est montrée très en-deçà de sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, ou d'un Nicolas Dupont-Aignan. La page, peut-être sa page, est tournée. Si la coalition FN-Debout la France obtient moins d'une quarantaine de députés, Marine Le Pen se retrouvera sans doute réduite à devoir siéger (très rarement) au Parlement européen, mais peut-être plus en compagnie de Florian Philippot dont la place éligible sur la prochaine liste n'est plus vraiment assurée.
La famille d'abord… Engluée dans ses fiches dont elle n'a su se servir, Marine Le Pen a surtout convaincu qu'elle était bonne en récitation, sans parvenir à égaler l'érudition et la pugnacité de son père, Jean-Marie Le Pen. Lequel a charitablement commenté, "si j'étais l'arbitre, je dirais que c'est un match nul". Après avoir décoché que sa fille "a manqué de hauteur", car mal préparée par "son entourage". Requiem pour un cave, chantait Le Grand Orchestre du Splendid. Bonimenteuse d'estrade, Marine Le Pen aurait peut-être gagné à obtenir de parler derrière un pupitre. Les marinistes peuvent se consoler : c'est la pire audience de tous les débats présidentiels (moins de 17 millions). Jouant sa partition tel Beethoven devenu sourd, elle a cru pouvoir renverser les pièces de l'échiquier et comme le décrit un tweet "chier sur le plateau et se pavaner fièrement" comme si elle l'avait emporté.
Il ne reste plus aux marinistes et à leurs alliés fillonistes qu'à lancer l'idee d'un lobby gay et pédophile soutenu financièrement par al-Qaida pro-Macron et d'un compte caché (joint avec celui de Cahuzac ayant échappé aux enquêteurs ? Cette "réinformation" provenant de Russie) de Picsou Macron. C'est déjà ce qui répand avec, un cran en-dessous, les arguments développés par Sputnik News et Russia Today. Mais les médias russes, qui soutenaient d'abord Fillon, puis le FN, font déjà la part des choses : "RT n'a pas de préjugés contre Emmanuel Macron", lit-on à présent. Il n'y a plus que la Paca à porter Marine Le Pen en tête de l'élection, et elle le doit surtout à sa nièce et aux appuis que cette dernière a su développer localement.
Même Valeurs actuelles concède : "ce n'est sûrement pas avec ce débat que Marine Le Pen va rattraper son retard". RIP. Depuis, ce matin sur BFM, Marine Le Pen a tenté de dénaturer la "loi Macron" sur les Prud'hommes, de renvoyer d'abord vers son site pour répondre à la question du financement de son programme, avant d'avancer des chiffres sujets à caution, puis elle réfuta la perspective d'une dissolution de l'Assemblée en cas d'absence de majorité présidentielle (exit alors Dupont-Aignan). Son argument sur l'euro ? "Tous les pays vont retrouver leur monnaie nationale". Ce alors que la Roumanie veut rejoindre la zone euro en 2019, et que sept pays ont adopté l'euro entre 2007 et 2015. Très crédible.