Elle fut créditée d'arriver au moins à 29% des suffrages au premier tour des présidentielles : ce fut 21,4%. Trop "dédiabolisée" pour Jean-Marie Le Pen, sa fille avait pourtant tenté d'en revenir aux fondamentaux de son parti : immigration et sécurité. Ses propos convenus après l'attentat des Champs-Élysées ("ce président notoirement défaillant, ce gouvernement éphémère, usé par l'inaction") qu'un meilleur contrôle aux frontières n'aurait pu déjouer, alors que l'expulsion des fichés S – si tant était qu'elle puisse être opérante – priverait les services de sécurité d'une manne d'indices, ne lui ont valu que des votes consolidés de "ras-du-front" marinolâtres confortés dans leurs intentions préexistantes.
Elle peut certes prendre quatre points à Emmanuel Macron dans un seul sondage, qu'elle consolidera ou non (si le candidat En Marche ne commet pas une bourde retentissante ou un faux-pas tonitruant). Elle risque surtout, sur le plan intérieur, un dérapage de ses prétendus soutiens qui lorgnent son éviction, et les répercussions de cafouillages relatives aux investitures pour les législatives (candidats désignés le découvrant dans la presse et se rétractant, comme dans le Maine-&-Loire, personnalités farfelues ou s'insurgeant contre le montant des frais de campagne abondant les caisses du FN). Il lui faudra aussi compter avec la perception de ses modèles étrangers : Donald Trump, dont la cote d'adhésion s'effrite très fort, Theresa May, qui remportera sans doute les élections au Royaume-Uni, mais dont l'électorat doute de plus en plus des "bienfaits" du Brexit.
Le pari de Marine Le Pen, voyageuse-commerciale de Vladimir Poutine, c'est que les gouvernements stipendiés par le Kremlin (Hongrie, Bulgarie, Tchéquie… au-delà de l'UE, la Moldavie), soutenus par les formations souverainistes de divers pays du Vieux Continent, puissent faire casser l'euro, et transformer le marché unifié en chasse-gardée pour les États-Unis et la finance internationale en collusion avec les oligarques moscovites.
Bref, Marine Le Pen, c'est "le parti de l'étranger". Un parti enrichissant aussi un ultra-islamiste comme Erdogan, le sultan turc, et tant d'autres bénéficiaires (dont la microcosmique famille Le Pen). Nul complotisme dans ces propos : tout juste l'observation du présent et la mémoire de la progression du Front National, allié à l'enrichissement des Le Pen.
Mélenchon, l'idiot utile ?
Jean-Luc Mélenchon, vieille haridelle de retour, que l'on peut créditer d'avoir été un ministre de l'apprentissage et de l'enseignement professionnel convenable (autrefois, on aurait dit prompt à fournir au patronat une main-d'œuvre bon marché taillable & corvéable à merci), joue le tour suivant. Soit la récupération des marinistes flottants lors des législatives et la groupuscularisation du Parti communiste. Notoriété et charisme sont des ressorts parfois plus motivants que l'argent (surtout si l'on en manque pas vraiment). Il finira sans doute tel Jean-Pierre Chevènement : éternel recours qui refait parfois la couv' des quotidiens ou hebdomadaires en périodes d'actualité creuse.
À moins qu'il n'achève sa carrière pipeulisante en vieux sage, aux côtés d'une Marion Maréchal-Le Pen ayant évincé sa tante. Fin manœuvrier. Voué à terme aux siestes rémunératrices du Conseil économique et social. Bah, la République est bonne mère et les contribuables généreux. Vaste rigolade. Votez plutôt pour Marine Le Pen, ce sera beaucoup plus divertissant. Et surtout sans risque : une petite rafle sur la cave de l'Élysée, un référendum perdu, et c'est tout bénéfice. Sauf que de nouvelles élections coûtent très cher, et n'enrichissent que les candidats et les imprimeurs. Je voterai donc Macron sans conviction : ce sera le choix le moins pesant sur ma feuille d'imposition (hélas, je suis tout juste au-dessus du seuil de l'exonération).
Vote idéologique ? Que non. Cela, c'était avant. Du temps d'un Rocard ou d'un Chevènement autogestionnaires, voire "conseillistes ouvriers". J'étais naïf. J'ai depuis jeté ma gourme tel un bulletin dans l'urne.