C'est assez simple. La moyenne des sondages provenant des instituts dits peu près fiables donnent Emmanuel Macron élu avec un peu plus de 61% des suffrages. Ce serait même 63% selon l'ultime sondage Ipsos. Mais rien n'est joué jusqu'à 20 heures ce soir, et le niveau des votes blancs, nuls, et de l'abstention, devrait davantage profiter, s'il reste élevé, à Marine Le Pen. Laquelle, selon diverses déclarations de chef·fe·s de file du Front National, pourrait se maintenir durablement à la tête du parti si elle atteignait 40%. À deux-trois points près, sa position, celle de Florian Philippot, surtout évidemment s'ils s'ajoutent à ce seuil, consolideront leurs positions.
Mais si le différentiel entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen était de quatre ou cinq points en moins, il en serait vraisemblablement différent. Car même si le Front national, avec Debout la France, faisait le plein des prévisions (bien plus aléatoires) des instituts en nombre de sièges à l'Assemblée nationale, soit une quarantaine, selon la provenance des députés FN, la cohésion du parti serait maintenue ou modifiée. On peut d'ailleurs se demander si, lors du débat face à Emmanuel Macron, Marine Le Pen n'avait pas cette problématique en tête. Quitte à fléchir, autant rassembler en se montrant la plus offensive possible, la plus critique du "système", la plus recentrée sur les fondamentaux.
Car les ralliés récents sont fluctuants. Près d'un tiers des élus du FN, lors des élections locales, ont déserté depuis.
Opter pour le FN de demain
La question du futur Front national se pose différemment chez les abstentionnistes ou les partisans du vote nul qui pensent ou non au scrutin suivant, celui des législatives. Cela vaut semble-t-il davantage côté LR ou France insoumise que côté Parti socialiste.
Quel FN combattre ? Nombre d'électeurs de Fillon pourraient voter Le Pen, pour des raisons essentiellement sociétales (immigration, homosexualité, religion). Mais plus d'un tiers est supposé opter pour l'abstention ou le vote blanc, qui fragilise davantage Emmanuel Macron que Marine Le Pen. Versant PS, ce sera marginal. Mais chez France insoumise, en dépit de la décision du noyau dur de favoriser l'abstention, et donc la fragilisation d'Emmanuel Macron, en guise d'avertissement, le débat Macron-Le Pen semble avoir ravivé le réflexe du "tout sauf le FN".
C'est peut-être ce qui explique l'exploitation des MacronLeaks par le FN : gonfler les présupposés, faire croître l'abstention ou le vote blanc. Il faudrait à la fois tenter d'obtenir des suffrages peu évidents (provenant de chez Fillon et de chez Mélenchon), mais surtout diaboliser Macron et faire bouder les urnes ou faire monter le vote blanc. Ce que le FN interprètera tel une expression "par défaut" pour lui, susceptible de se transformer en vote pour ses candidats aux législatives car proclamés meilleurs garants d'une opposition ferme à l'incertaine majorité issue du "système". L'étape suivante consistera, à la faveur de triangulaires et de quadrangulaires, à tenter d'obtenir que des suffrages qui ne seraient pas portés sur le Front national lui profitent, car il se poserait en plus efficace opposant au programme d'Emmanuel Macron.
La date limite pour se présenter est le 19 mai. Conforter ou affaiblir l'actuelle direction du FN, tel est le dilemme que devront trancher ce jour abstentionnistes et partisans du vote blanc. Enfin, au moins les plus conscients.