Le concept du Marché du travail est un objet théorique et ne désigne pas un lieu réel mais un ensemble de mécanismes mettant en relation offreurs et demandeurs de travail. Ce concept ne doit pas être confondu avec la notion empirique du marché de l’emploi. En revanche, le concept du marché du travail contribue à la compréhension du niveau de l’emploi et du chômage et du niveau des salaires. Il doit être articulé au concept d’institutions afin de mieux rendre compte de la relation salariale. C'est le cas aujourd'hui pour la réforme du Code de travail voulu par le Président Macron et mise en oeuvre par la Ministre du travail, Madame Muriel Pénicaud.
De tous temps, le débat sur le Code du travail porte d’abord sur le secteur privé (18 millions de salariés, 3 millions d’entreprises). Le secteur public est souvent laissé de côté car, statutaire et directement géré par l’Etat qui peut dans certains cas s’octroyer le droit de se comporter comme une entreprise privée avec des contrats en CDD, non renouvelables. Les fonctionnaires dans le secteur public sont recrutés par concours, ils ont un statut et une rémunération (traitement) qui correspondent à leur concours. D’autres salariés du secteur public sont embauchés comme contractuels avec un statut précaire digne de ceux que l’on retrouve dans le secteur privé. Ce n'est pas la fin du travail, comme certains politiques dont Hamon ont pu le penser, mais d'autres formes de travail apparaissent en impliquant aussi des changements dans le marché statutaire des fonctionnaires.
Code du travail et secteur public
Selon la théorie des 'insiders' et 'outsiders' développée par deux économistes américains A.Lindbeck et D.Snower au début des années 1980, les 'insiders' sont les salariés de l’entreprise avec un CDI et les 'outsiders' sont les chômeurs candidats à l’embauche. L’intégration des chômeurs dans les entreprises peut être retardée, voire empêchée par le comportement des insiders.
En renversant la problématique de l’entreprise, on peut estimer que les insiders sont aussi représentés par les fonctionnaires qui, au sein de la fonction publique, ont un statut indéboulonnable. Se pose une question fondamentale que le gouvernement Macron n’a pas voulu mettre sur la table : le statut du fonctionnaire. Pourquoi le Code du travail ne concerne pas aussi celui des fonctionnaires, alors que de tous temps il se dit que les fonctionnaires coûtent chers à l’Etat, même si paradoxalement les Français reconnaissent que ceux-ci remplissent de façon harmonieuse leur mission de service public au nom de l’intérêt général ?
Peut-on réformer le marché du travail du public ?
Dans le projet de loi d’habilitation qui autorise l’exécutif à prendre des mesures pour la rénovation sociale, le marché du travail des fonctionnaires est absent car c’est un marché statutaire directement géré par l’Etat et qui, assez paradoxalement, échappe au Code du travail en accentuant l’aspect statutaire de ce marché et les conditions spécifiques de sa gestion par l’Etat et les collectivités locales. Or, de façon très paradoxale, dans le 'Rubik’s cube' de Madame Pénicaud il y a la réforme des retraites et le Président Macron, dans sa campagne électorale, avait avancé l’idée selon laquelle tous les régimes de retraite seraient alignés et qu’un euro de cotisation devait déboucher sur un euro de pension.
Comment peut-il en être ainsi si le nouveau Code du travail laisse de côté le statut des fonctionnaires et laisse l’Etat seul aux commandes de la gestion de ce marché du travail spécifique, celui des fonctionnaires insiders. Ce marché est spécifique par les conditions de recrutement, de rémunération, de licenciement, de modulation des horaires, de gouvernance administrative des établissements publics, des écoles, collèges, lycées, universités, de l’administration centrale. C’est un chantier énorme auquel devra s’attaquer le Président Macron s’il veut rester cohérent et rechercher l’alignement des différents régimes de retraite.
Pour l’instant, seul le marché du travail du secteur privé est privilégié.
On valorise, en termes de présentation, le dialogue social. Qu’en sera-t-il quand il s’agira de s’attaquer au « marché » du secteur public ? Quelle sera la position des syndicats ? Comment se comporteront les salariés de ces secteurs dont certains estiment que les traitements ne sont pas à la hauteur des années d’étude qu’ils ont effectuées et les diplômes obtenus ? Voilà un débat nouveau pour Madame la Ministre.