Mieux vaut prévenir que guérir : il faut avoir le cœur bien accroché pour venir à bout des dix épisodes de la série Maniac, actuellement disponible sur Netflix. Et surtout, il faut aimer le loufoque, le démentiel, le complexe. Aux commandes de cet ovni télévisuel : le scénariste et romancier Patrick Somerville, auteur de The Bright River, et le réalisateur Cary Fukunaga (True Detective, Beasts of Nation).

Un millefeuille d’univers cinématographiques

Si vous êtes passés à côté de la tornade Maniac, il est encore temps de vous rattraper. Remake d’une série norvégienne, sa version made in USA pourrait bien vous laisser scotcher au plafond… à condition d’apprécier le mélange des genres.

Car Maniac est un véritable millefeuille d’univers cinématographiques : science-fiction, heroic fantasy, film de gangsters, comédie, thriller psychologique, film d’espionnage… tout y passe ! Et ça tient debout, ce micmac ? Oui, ça tient debout. Mais pour comprendre comment, posons d'abord le cadre de l’histoire.

Dans un futur rongé par le consumérisme et le progrès technoscientifique débridés – quelque chose entre Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley et Brazil de Terry Gilliam –, la population est de plus en plus sujette aux maladies mentales. Afin de combattre ce fléau grandissant, le laboratoire pharmaceutique Neberdine BioTech travaille au développement de pilules capables de guérir les troubles psychiatriques des individus.

Il met donc en place un programme expérimental sur un groupe de cobayes humains volontaires. Parmi eux : Owen Milgrim, un schizophrène et Annie Landberg, une jeune femme traumatisée depuis la mort de sa sœur cadette.

Des personnages empêtrés dans leurs fantasmes délirants

À partir de là, Maniac nous ballotte sans trop de ménagement entre la réalité angoissante de ces essais cliniques et l’imaginaire névrosé de nos deux protagonistes.

Chaque pilule ingérée devient le prétexte d’un voyage hallucinatoire dans leur esprit tortueux, un ressort narratif qui n’est pas sans rappeler d’une certaine façon Inception de Christopher Nolan. Sauf qu’ici les personnages deviennent le jouet de leurs fantasmes délirants, empêtrés dans des situations que leur inconscient leur impose.

D’un épisode à l’autre, ils se retrouvent ainsi métamorphosés tantôt en elfe médiéval dans un trip à la Tolkien, tantôt en mafioso des années 50 à la sauce Pulp Fiction, tantôt encore en couple d’escrocs infiltrant une secte mystique dans un vieux manoir Hitchcockien.

Il va sans dire que ce kaléidoscope d’atmosphères disparates représente un défi d’envergure pour les acteurs, lesquels doivent composer habilement entre les nombreux traits de caractère, réels et fantasmes de leur personnage. Mais pour cela, ne doutez pas du talent de Jonah Hill (Owen) et d’Emma Stone (Annie), visiblement très à l’aise dans cet exercice d’équilibriste. D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls à crever l’écran : Justin Theroux et Sonoya Mizuno se révèlent également tout à fait justes et délicieux dans leur rôle de scientifiques passionnés mi-sérieux, mi-fleur bleue.

Une série qui a du chien

Pour finir, on ne résistera pas au plaisir de vous dire que cette série un peu foutraque a du chien… andalou ! Du nom de ce court-métrage porté à l’écran par Luis Buñuel et Salvador Dalí il y a presque un siècle. Construit à partir de petits morceaux de rêves, Un Chien Andalou donnait à voir une succession de scènes dérangeantes sans queue ni tête. Il provoqua nausées, étourdissements et indignation dans le public. C’était alors la grande époque des surréalistes, ces artistes épris de liberté, explorateurs des confins de l’inconscient, pourfendeurs du rationnel et du bon goût. Il est clair que les créateurs de Maniac s’inscrivent dans leur sillage. Et ce n'est pas pour nous déplaire.