Le président sortant Joseph Kabila a été élu en 2006 et 2011 et depuis aucune élection démocratique pour l’alternance n’a pu se faire en République démocratique du Congo. De nombreuses raisons expliquent ce que les politiques congolais qualifient de glissement ou de report du calendrier électoral. Depuis le 30 décembre 2018, le glissement s’est arrêté net et de nouvelles élections ont pu se tenir. On a tout dit de Joseph Kabila qui a succédé à son père Laurent Désiré Kabila assassiné en son palais dans des conditions demeurées inexpliquées jusque-là.
La gouvernance de Kabila a fait l’objet de critiques de la part des politiques congolais et de la communauté internationale. On lui reproche des crimes contre l’humanité, une mauvaise gouvernance et un enrichissement personnel pour lui, sa famille et son clan.
L'alternance démocratique en Afrique repose sur un modèle "spécieux"
Les chefs d’Etat africains, surtout ceux d’Afrique centrale ont un rapport relativement lointain avec les concepts fondamentaux de la gouvernance démocratique. On tripatouille les élections pour les rendre crédibles aux yeux de la communauté internationale. L’élection du 30 décembre 2018 en RDC et les résultats proclamés par la CENI (Commission électorale nationale indépendante) nous donnent les chiffres provisoires suivants pour une élection présidentielle à un tour avec 24 candidats et un taux de participation de 47% : Félix Tshisekedi 38,57%, Martin Fayulu 35%, Emmanuel Shadary 24%.
Félix Tshisekedi est le fils de l’opposant/partisan du régime politique congolais du Maréchal Mobutu, à savoir Etienne Tshisekedi décédé le 1er février 2017 à Bruxelles. Félix Tshisekedi a conclu une alliance avec Vital Kamehre, ancien président de l’Assemblée nationale et directeur de la campagne de Joseph Kabila en 2006. Tshisekedi n'est pas crédible.
"Aujourd’hui, le doute plane encore sur lui. « Il est un peu naïf », lâche un de ses proches. Pour plusieurs diplomates de Kinshasa, « Félix est achetable » depuis la mort de son père et « n’a pas de vision politique »", écrit Le Monde. Fayulu arrivé en 2ème position, dénonce un putsch électoral car il s’appuie sur les procès verbaux de la CENCO (Conférence épiscopale nationale du Congo).
Shadary est un affidé de Joseph Kabila qui pensait, grâce aux tripatouillages, obtenir la magistrature suprême. Le président Kabila à délaissé son plan A, la victoire de son poulain (Emmanuel Shadary), pour le plan B : la victoire de Félix Tshisekedi contre le candidat Martin Fayulu affidé de la coalition LAMUKA (« Réveillez-vous » en Congolais). "C’est le scénario du compromis. Au milieu de la nuit, le président de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) a annoncé en direct à la télévision publique la victoire à l’élection présidentielle du 30 décembre de l’opposant Félix Tshisekedi, avec 38,57% des suffrages", écrit Libération. La coalition LAMUKA est pilotée depuis Genève par des adversaires politiques de Kabila (Bemba - incarcéré à CPI, acquitté depuis - et Katumbi) qui autrefois étaient des alliés de Kabila.
L’élection de Tshisekedi, c’est la victoire de Kabila
Ainsi va l’Afrique qui cherche sa voie vers l’horizon démocratique. Après les traditions dynastiques qui n’ont pas disparu en Afrique, voici venu le temps des compositions politiques pour permettre aux présidents sortants de continuer à jouer un rôle important. L’élection de Tshisekedi est une illustration forte de ce qu’il risque d’advenir en RDC. Après avoir participé à la création de la coalition LAMUKA, Félix Tshisekedi avait décidé avec son allié Vital Kamehre de résilier l’accord et de se présenter à l’élection présidentielle. Pour l’ancien président Kabila c’est une victoire sur toute la ligne car son parti a gagné les élections législatives et provinciales.
Il reste au centre du jeu du pouvoir politique en RDC alors que beaucoup de présidents en Afrique centrale souhaitaient le voir disparaître du champ politique de la RDC. Kabila triomphe car il gagne face à ses contempteurs de LAMUKA (Bemba et Katumbi). Félix Tshisekedi a reconnu en Kabila un très grand président qui a permis l’alternance en République démocratique du Congo. Pour Kabila, c’est la belle vie car il va se préparer à la reconquête du pourvoir dans quatre ou cinq ans. Lui et sa famille ne seront pas inquiétés sur leurs biens, sur les crimes économiques et humanitaires que leur reprochent les opposants et il va jouer le rôle du grand sage pour la paix et la démocratie naissante en RDC.
Sans être premier ministre comme Poutine l’a fait avec Medvedev en Russie, Kabila sait que Vital Kamehre, qui va être le premier ministre désigné, est instable. Vital Kamehre sera le maillon faible de la gouvernance Tshisekedi.