Ecrivain et journaliste, Pape Samba Kane est arrivé au journalisme par la case de l’écriture créative. Il a signé des articles dans plusieurs journaux, à l’instar du Politicien, Le Cafard-libéré, Le Matin, l’Info 7 et TAXI Le Journal. Dans cette interview, il nous livre à l'occasion du Salon international du livre (SILA) d'Alger, sa vision sur la pratique journalistique, en général, la presse satirique, qu’il qualifie d’"exigeante, moqueuse et…emm***euse". Pour la bonne cause, sommes-nous alors tentés… d’écrire.

Une presse exigeante

Vous avez passé l’essentielle de votre carrière dans l’hebdomadaire satirique le Cafard-libéré, considéré comme une copie sénégalaise du Canard-enchaîné. Pourquoi ?

Pape Samba Kane : Ce petit journal de huit pages était un journal tellement influant dans le paysage médiatique sénégalais, que j’étais invité partout dans le monde.

J’y ai travaillé en tant que reporter, éditorialiste, rédacteur en chef et portraitiste pendant dix ans. Chaque semaine je faisais un portrait d’une personnalité publique sénégalaise ou étrangère, et ce, en politique, sport, culture, économie ou universitaire, etc. Aujourd’hui, ce travail a fait l’objet d’un recueil de 500 portraits, en deux tomes, édité chez la maison Harmattan au Sénégal.

Pour moi, la presse satirique est le genre journalistique le plus exigeant de tous, parce que vous êtes une presse moqueuse, une presse d’investigation et une presse emm***euse, donc on vous pardonne moins que les autres. Dans l’information que vous devez donner vous avez l’exigence de la précision pour vous protéger d’abord, et vis-à-vis des exigences d’éthique mais aussi vis-à-vis de vos lecteurs qui vous font confiance comme une référence particulière en termes de véracité de l’information.

Et comment vous avez veillé au respect des règles d’éthique et de déontologie dans ce genre journalistique ?

Vous savez, la déontologie c’est des règles à respecter donc c’est très facile. Par contre l’éthique c’est un peu plus difficile à définir d’abord et à respecter par la suite. Parce que c’est une question de morale, de comportement et de caractère pour résister aux pressions.

Respecter ces règles et le public lui-même va vous plébisciter, et ce n’est pas sur un an ou deux ans, c’est un travail à long terme.

A travers votre riche et longue expérience, quels sont les critères d’un bon journaliste ?

Un véritable journaliste c’est d’abord quelqu’un qui aime le métier, qui aime ce qu’il fait et qui est prêt à se donner entièrement.

Les gens aiment la vérité, et un bon journaliste doit respecter les règles d’éthique et de déontologie et sait produire une information extrêmement propre qui obéit à des règles précises. Il ne faut pas s’enfermer dans un bureau, moi jusqu’au directeur de publication j’allais faire des reportages.

Aussi, Il faut se cultiver, lire beaucoup de livres, ça vous donne l’information sur ce qui se passe dans le monde et surtout avoir le courage chevillé au cœur sans être un homme crispé qui refuse le monde. Il faut éviter de fréquenter les hommes politiques et les hommes de pouvoirs afin de préserver la noblesse du métier.

Mutation technologique et Médias

Face à ce tsunami numérique, les médias traditionnels peuvent-ils résister ?

C’est un vrai challenge, les rédactions à travers le monde sont en train de s’adapter à cette exigence et avoir des approches qui mixent les différents supports et les lignes rédactionnelles.

Faire des papiers succincts, très vite fait, très vite publié dans la journée, disponible pour le public sur le site du journal, et ensuite les renforcer par des papiers plus pensés, plus profonds, plus littéraires et plus agréable pour le lendemain dans le quotidien. C’est pour cette formule-là que j’opterais.

Selon vous, de quels médias a-t-on besoin, aujourd’hui, pour bâtir une véritable démocratie?

De médias pluralistes qui donnent la parole à tout le monde, de médias qui s’intéressent à ce que tout le monde fait, de médias qui ne prennent pas parti. Les journaux indépendants et qui prétendent faire de l’information équitable doivent garder l’équidistance. Quand on est en face d’un pouvoir corrompu il faut le critiquer, pas au bénéfice de son adversaire, mais il faut le pousser vers la bonne direction et l’encourager.

Car ce n’est pas d’être systématiquement contre le pouvoir qui fait un journal indépendant, il faut aussi être indépendant des révolutionnaires et des partis d’opposition, même s’ils sont les plus populaires. Ce n’est pas facile, mais dans une démocratie forte et pluraliste, le journalisme reste un métier noble.