"Notre métier n'est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie", résumait Albert Londres. Notre métier est tout autant de relayer tant l'information, quelle que soit sa source, de la rémunération d'Ève Plenel par la mairie de Paris, que les explications de son père, Edwy. Et le métier de Louise Fessard, de Mediapart, est de s'attarder sur le cas de l'ex-député puis sénateur et toujours maire (PS) d'Allauch (Bouches-du-Rhône, une coïncidence). Roland Povinelli reste, depuis le 10 juin 2015, mis en examen et sous contrôle judiciaire ayant réglé une caution de 50 000 euros.

Une somme à la portée de la famille Fillon. Il comparaîtra (ou non, allez savoir...) pour "abus de confiance, faux, utilisation privative de domaine public et détournement de fonds publics". Il faisait partie du Top 10 des sénateurs absentéistes. La condamnation ne visera pas que l'emploi fictif et surpayé de sa belle-fille puisque sont aussi invoqués des permis de construire suspects.

Plainte pour violation du secret

Les conseils de François Fillon enjoignent au parquet financier "de se dessaisir de l'enquête préliminaire en cours (…) au nom de l'état de droit démocratique". Cette enquête viole "les principes les plus fondamentaux, les valeurs cardinales, &c." Le PNF s'est autosaisi alors que le parlementaire est un irresponsable en matière de "détournements de fonds publics".

La pléthore d'avocats de François Fillon roule gratuitement pour Roland Povinelli. "Son enquête en devient illégale", annoncent les avocats telle "une évidence". La séparation des pouvoirs est aussi invoquée, l'immunité parlementaire, &c., pour éviter "l'ingérence du juge". Cela vaut-il aussi pour la ci-devant Penelope Fillon ?

Pour les petits-cousins et arrière-petites-cousines, germain ou non, de François Fillon. Eh bien oui. Enfin, l'enquête serait entachée de fuites "déloyales" violant la présomption d'innocence. Mais est-ce bien l'enquête qui alimente la presse ou François Fillon qui alimente et la presse et l'enquête ? Pourquoi les fuites ne portent pas sur les témoins qui assurent que Penelope Fillon travaillait bel et bien ?

C'est très simple : elles ne proviennent pas de l'enquête, mais de ces témoins eux-mêmes, et la presse répercute leurs témoignages. Il n'y a pas que Mes Lévy et Cornut-Gentille derrière François Fillon. L'absence de précédent qu'ils évoquent (aucune interférence dans le mandat du parlementaire) est discutable, comme l'établit la mise en examen de Roland Povinelli. Mais puisqu'il était maire, puisque la mise en examen sur ce fondement a été invalidée par la chambre de l'instruction, réplique Me Lévy. Dont acte. Il est maintenant soutenu que du fait que l'enquête porte principalement sur un emploi présumé fictif, il ne serait plus question de traiter d'un autre emploi présumé fictifLa Revue des Deux Mondes) ?

Le procureur national financier ne s'en occupe que "par connexité", donc tout tombe. Bon, allez, qu'on mette François Fillon et consorts en examen, personne ne lui en voudra de se contredire une fois de plus, une fois de trop. Aucune infraction n'étant constituée, pour les avocats, donc la mise en examen est exclue. On comprend très, très bien, circulez, il n'y a rien à voir, passants, badauds, circulez, journalistes, retournez couvrir les compétitions de pétanque. C'est clair, net, précis, transparent. Il faut tout taire pour "ne pas nuire à la campagne" de François Fillon. Limpide, lumineux, translucide. Le Penelopegate n'ayant jamais existé, il devient une guerre de Troie qui n'a plus lieu d'être.