Voit-on Nadine Morano, encore voici quelques heures appelant François Baroin à prendre la relève de François Fillon, quadriller la Lorraine pour soutenir le candidat du Plan F ? Pourquoi pas… On vit bien Jean-Pierre Soisson, ministre giscardien, participer aux gouvernements de Pierre Bérégovoy, Édith Cresson, Michel Rocard, se faire élire à la présidence de la région Bourgogne avec les voix du Front national, puis soutenir Nicolas Sarkozy. Pour Éric Ciotti, c'est plus simple. Scander "ouais, ouais, ouais, tous ensemble, tous ensemble" derrière François Fillon lui coûte peu.

Localement, il lui faut désormais convaincre que Fillon fera autant et mieux que Marine Le Pen pour répondre aux attentes de son électorat. Et c'est bien désormais l'enjeu : les fuites vers Emmanuel Macron pourraient se tarir si l'intéressé commettait d'autres gaffes, raterait ses interventions télévisées. Mais il faut rassembler pour éviter les défections profitant à Marine Le Pen. Pour l'emporter, peut-être, à la présidentielle, pour limiter la casse aux législatives. Ce sera avec ou sans les centristes de l'UDI… Il est trop tôt, beaucoup trop tôt pour en présager, quelles que soient les déclarations des chefs de file de l'UDI, demain, mardi. Ce qui est sûr, c'est qu'un Georges Fenech ou un Dominique Bussereau feront campagne pour eux-mêmes dans leurs circonscriptions respectives.

Il en est d'autres, mais ce ne sera pas le cas de Nathalie Kosciusko-Morizet à laquelle la circonscription de François Fillon reste promise… si ce dernier devenait président. Comme il est (très fort) improbable que François Fillon se retrouve en garde à vue le 15 mars à l'issue de son audition sur le Penelopegate, il s'agit de faire d'un fardeau une sorte de rempart, en espérant éviter une abstention massive, qui porterait Marine Le Pen à la présidence.

Sans joie et craintifs

Sans haine et sans crainte ? François Fillon ne reste détesté, mais alors, viscéralement, que par une base sur-affective sarkozyste que même Nicolas Sarkozy ne pourra ramener à de meilleurs sentiments. Mais il n'est pas un de Gaulle que même des gaullistes supportaient parfois mal tout en le reconnaissant incontournable.

Il est habile. Il évitera de dire à Emmanuel Macron un truc comme "vous parlez au [à l'ancien] Premier ministre de la France" (Fabius face à Chirac). Il veut reprendre les rênes de sa campagne ? Parler augmentation de la TVA ? Ou proposer des "amnisties politico-financières" (Fabius face à Perben, lequel vient d'obtenir la présidence du comité éthique d'une instance d'arbitrage entre justiciables) ? Alexis Brézet, du Figaro, a beau crier "Halte au feu !", titrer "en campagne, et vite !", cette campagne est déjà rase. Il n'est plus sûr qu'elle puisse couper l'herbe sous divers pieds. Il y a eu des cartes renvoyées au siège de LR, il y aura des résiliations d'abonnements au quotidien Le Figaro, et peut-être des contrats publicitaires non reconduits.

Le facétieux Libération a confié à deux réfugiés, une journaliste syrienne et un confrère iranien, le soin de rendre compte de la journée d'hier. C'est titré "À droite, le jour sans fin". J'ai failli saisir "le four". Il y avait deux LR. Les Républicains et Les Régaliens. Il en reste encore deux : Les Régaliens et Les Réfugiés (dans leurs camps respectifs). Le Plan F ou le D, comme Déprime, c'est selon. La chute des confrères est un proverbe persan. En voici un autre : "une corde rompue peut être renouée, mais le nœud se sentira". Ou encore celui-ci : "le voleur va dans une direction et le volé dans mille". Dans au moins deux, en tout cas : FN et En Marche. Ressuscité, l'assassiné politique ?

Rafistolé, plutôt. Reste à lui recoller une prothèse revenue de l'UDI de Jean-Christophe Lagarde (qui se rendra aux promesses électorales dans les circonscriptions les mieux gagnables). Il reste de l'espoir : Penelope Fillon s'est exprimée, insistant sur son travail incessant, exigeant, épuisant, et le volet judiciaire du Penelopegate s'estompera... Un peu.