Pour l'avocat des Fillon, nul doute : le tribunal qui jugera Penelope Fillon l'estimera innocente, ainsi que son époux. Lequel, s'il est élu président, car jaugé sur "son parcours", pourra attendre, tout comme son prédécesseur Nicolas Sarkozy, la fin de son mandat (ou de ses mandats) avant de comparaître. Les avocats du couple avaient sans doute longuement préparé Penelope Fillon à se confronter avec les magistrats instructeurs. Ces derniers l'ont tout autant longuement entendue et les qualifications retenues, soit recel et complicité de détournement de fonds publics et d'abus de bien sociaux et seulement recel de complicité aggravée laissent présumer que son mari fut l'unique instigateur des faits incriminés.

Lesquels font de Marc Joulaud à la fois un complice et une victime. Victime car il aurait pu faire bénéficier l'une ou l'un de ses proches de la manne accordée à Penelope Fillon, avec ou sans, comme dans le cas des emplois des enfants Fillon, une confortable rétrocommission. Penelope Fillon risque donc, outre une forte amende, cinq ans de prison : c'est la peine maximale, qui exclut une mise en liberté surveillée (avec port de bracelet électronique, par exemple) qui n'est accordée que pour les peines inférieures à trois ans. Qu'on se rassure : en cas de condamnation, l'appel suspensif sera demandé. Ce n'est donc pas demain ou après-demain que les soutiens de François Fillon apporteront des oranges à Penelope Fillon au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes.

Une prison où, le 26 février dernier, une quarantenaire s'est tailladée avant de se pendre et de décéder, peut-être pour ne pas devoir faire face à la misère après sa libération. Un devenir que n'a pas à redouter Penelope Fillon : les contribuables ont largement abondé ses droits à retraite.

Dissensions aggravées

Les soutiens des présumés délinquants continuent à parler de complot, d'accusations injustifiées, de torture morale qui pourraient conduire d'autres au suicide, comme ce fut le cas de Pierre Bérégovoy qui, lui, n'avait bénéficié que d'un prêt réel.

Mais d'autres séides et comparses déclarés, au moins sur le papier, préfèrent prudemment le silence. Ou, comme Laurent Wauquiez, s'exprimant ce matin sur France Info, nuancent très fort. "Je ne parle pas de thèse de complot, je ne parle pas de cabinet noir" dit le président de région qui ajoute à propos de "son" candidat "je n'ai pas prétendu un seul moment que c'était le mieux placé pour redresser la France.".

Laurent Wauquiez persiste nonobstant à soutenir le programme exposé, et depuis à peine édulcoré, par François Fillon. Sans pourtant se prononcer sur la politique extérieure et les relations internationales. Quant à Gérard Larcher, il se dit "aux côtés" du candidat, mais "non-aligné". A-t-on imaginé un François Fillon négociant avec d'autres chefs d'États dont l'argument serait "pour vous, combien ? Argent, costumes, montres, bijoux pour madame, tableaux de maître, invitations pour les enfants ?". François Fillon serait aussi, selon Les Échos, "le candidat préféré des patrons". Serait-ce parce qu'ils considèrent qu'en affaires, tout peut s'acheter ? Ces questions, en conscience, en leur for intérieur, les soutiens de François Fillon se les posent-ils ?

Après le bling-bling tapageur, la présidence du charme discret de la bourgeoisie cossue âpre au gain. Telle est la perspective poussant une fraction non négligeable de l'électorat à opter pour, à tort ou raison, le ou la moins pire à ses yeux. Le désormais candidat furtif ne communique plus sur ses déplacements et se mure désormais dans le déni des faits. Tel un souverain shakespearien, il s'enferme dans la paranoïa d'un complot auquel il finit de s'autopersuader, en animal politique pestiféré. Quant à ses soutiens, "ils ne mourront pas tous, mais tous sont frappés".