Cicero 29 est une association anticorruption basée dans le Finistère. Elle a pour but de contrôler l'action des élus et de prévenir tout conflit d'intérêts ou acte illégal, de la même façon que le fait le célèbre collectif Anticor. Selon l'Agence France-Presse (AFP), qui confirme une information de France Info, une plainte a été déposée par Cicero 29 contre Jean-Jacques Urvoas, ancien député socialiste et ex ministre de la Justice des gouvernements Valls II et Cazeneuve sous le quinquennat de François Hollande. Ce dernier est soupçonné d'enrichissement personnel après avoir acheté sa permanence parlementaire avec les fonds de l'Etat en 2008, avant de la mettre en location.

Le procureur de la République de Quimper, Thierry Lescouarc'h, a confirmé avoir reçu cette plainte sans livrer d'autre commentaire.

Hier jeudi, c'est le site de France Info qui a publié une enquête confirmant que 32 députés ont acquis leur permanence d'élu en utilisant les fonds parlementaires, qu'ils rembourseront ensuite grâce à l'enveloppe pour frais de mandat qui leur est confiée chaque mois. Ils en ont pour l'instant le droit, mais sans intégrer le bien immobilier à leur patrimoine personnel. C'est pourtant ce qu'a fait Jean-Jacques Urvoas.

Un mécanisme de détournement de fonds publics ?

L'AFP a pu prendre connaissance de la plainte déposée par Cicero 29 contre l'ancien ministre. En 2008, ce dernier aurait d'abord bénéficié de deux emprunts à taux préférentiels contractés sur dix ans auprès de l'Assemblée Nationale pour acquérir sa permanence.

Ces prêts ont ensuite été peu à peu remboursés en utilisant les frais de mission confiés au député par le Parlement. Jusqu'ici, rien d'illégal.

Mais en Juillet 2017, Jean-Jacques Urvoas, qui n'a pas été réélu aux dernières élections législatives, aurait proposé son ancienne permanence à la location pour un loyer de 1.650 Euros par mois.

C'est là que l'association Cicero 29 n'est plus d'accord. Cette mise en location constitue en effet "un enrichissement personnel" grâce aux fonds publics versés par l'Assemblée Nationale, ce qui en fait donc "une infraction à la loi pénale". Ce vendredi matin, l'ex Garde des Sceaux refusait encore de s'exprimer.

L'IRFM en ligne de mire

L'IRFM (Indemnité Représentative de Frais de Mandat) a été créée en 1997 et son montant actuel est de 5.373 Euros nets par mois pour chacun des 577 députés du Palais Bourbon. En 2015, une vingtaine de parlementaires avaient déjà utilisé cette somme pour acheter à crédit leur permanence d'élu. Une transaction autorisée, et même "encouragée" par l'Assemblée Nationale, l'achat étant finalement plus bénéfique que la location.

Mais depuis, les règles ont changé le 1er Janvier 2016. L'Assemblée Nationale et le Sénat ont établi une liste de dépenses interdites en utilisant l'IRFM ; l'achat d'un bien immobilier en fait partie. En revanche, au grand désespoir des collectifs anticorruption et de Cicero 29, les biens acquis avant 2016 ne sont pas concernés par la réforme.

Par ailleurs, une nouvelle liste de frais interdits devrait être communiquée la semaine prochaine après une nouvelle réunion du bureau de l'Assemblée Nationale. Il lui a été suggéré, en plus de l'achat d'un bien immobilier, d'ajouter l'acquisition d'un véhicule, et les travaux réalisés dans les permanences des élus si ces derniers en sont les propriétaires. En résumé, toute dépense "de nature à enrichir le patrimoine personnel du député ou de ses collaborateurs" seront proscrites. Cependant, si l'on en croit les bruits de couloir, les dépenses relatives à un bien immobilier acquis avant 2015 continueront d'être prises en charge par l'IRFM des députés.