Des épidémies africaines, l'on ne parle que des pandémies du VIH/Sida, de la Tuberculose, du Paludisme et de l'Ebola. L'alcoolisme est complètement ignoré, à telle enseigne qu'il ne fait même pas partie des politiques de prévention. Et pourtant, sur le continent, cette maladie «fait son petit bonhomme de chemin», lentement, mais sûrement, il «trace ses sillons mortifères», tant il a «le vent en poupe». Et qu'on se le tienne pour dit, d'ici quelque temps, cette maladie ravira aux pandémies africaines les plus connues, leur première place, dans le groupe des grandes tueuses des Africains.

Parmi les facteurs de risques aggravants en Afrique, on peut noter l'absence de réglementation. L'imprégnation éthylique est indubitablement aggravé sur le continent africain par l'absence de réglementation sur la vente de l'alcool. En effet, aujourd'hui, en Afrique, rares sont les pays qui réglementent la vente de l'alcool. D'ailleurs, même s'il existe une législation rigoureuse dans le domaine, qui la connaît ? Qui veut la connaître ? Et en cas de dérives, à quoi serviraient les sanctions ? Tout le monde s'en moque ! Du coup, sur notre continent, autant la vente de l'alcool est libre, autant la consommation de l'alcool est libre. Même les enfants de tous âges qui n'ont pas encore atteint l'âge de la majorité boivent de l'alcool.

L'alcool est vendu partout, même sur la voie publique, avec des méthodes de conditionnements aux antipodes des règles sanitaires. Par exemple, en Côte d'ivoire, il est question de vente de liqueur forte en sachet plastique !

De l'alcool frelaté issu de fabrication artisanale au vin de palme, en passant par les bières, le vin et les liqueurs, l'Afrique connaît un alcoolisme de masse sans précédent qui annonce des périls sanitaires graves sur les individus et les groupes.

Le plus grave, c'est l'augmentation de l'alcoolisme juvénile et de l'alcoolisme féminin. Autant dire que même les tabous sont tombés face à la pression du fléau éthylique. En effet, qui l'eut cru ? Il n'y a pas encore longtemps que dans les villages africains, l'alcool était synonyme de virilité et de maturité, les femmes et les enfants étant maintenus à l'écart du partage du vin.

Le chômage, la pauvreté, la misère sociale, le développement des bars, et l'incertitude du lendemain sont autant de facteurs de risques aggravant le fléau éthylique. Cependant, pour ce qui concerne les filles et les femmes, l'alcool est devenu un instrument pour certains hommes peu scrupuleux de leur alterner le discernement, pour les attirer plus facilement dans les pièges de l'exploitation sexuelle. Mais ce qui rend difficile un travail de prévention, c'est la complexité des trajectoires d'alcoolisation.

Les trajectoires d'alcoolisation en Afrique, un système complexe

Aujourd'hui, toute politique de prévention de l'alcoolisme en Afrique sera confrontée à un problème majeur : l'identification des trajectoires conduisant à ce fléau.

En effet, la majeure partie des lieux de socialisation favorisent l'alcoolisme et rares sont ceux qui en préservent. Qu'il s'agisse des fêtes, des rites traditionnels ou modernes, des mariages, ou même de repas en famille ou entre amis, l'alcool coule à flot. Le milieu professionnel n'est pas épargné car il faut absolument arroser les promotions, les départs à la retraites, l'accueil des nouveaux venus, et même les anniversaires du Patron et ceux des collègues. Au collège, au lycée, à l'université, un invité surprise a fait irruption : c'est l'alcool. Les compétitions sportives alimentent l'alcoolisme dans les rangs des supporters ainsi stimulés pour acclamer leurs héros. Quant aux guerres civiles, pour les mener à succès, l'alcool est nécessaire pour stimuler les combattants, l'objectif étant de faire un maximum de victimes avec de grands préjudices humains et matériels dans les rangs de l'ennemi, sans aucun état d'âme. En définitive, en Afrique, tout sert l'alcool. Du moins, tout est mis au service de l'alcool.