On déplore que trop de ministres du culte musulman s'élèvent peu contre Daesh ou le terrorisme islamiste. Ce reproche est de moins en moins justifié, et on peut en comprendre diverses raisons. Pourquoi se justifier d'actes commis par d'autres au prétexte qu'ils se revendiqueraient musulmans ? Pourquoi s'exposer à des représailles que Daesh ne cesse de réclamer ? C'est ce à quoi s'est exposé doublement l'imam Tawhidi. Car chiite, car respectueux des lois australiennes. Lors d'une allocution devant les Rotariens d'Adélaïde, il n'a pas mâché ses mots : "la religion doit être intégralement revue", c'est plus d'éducation que de mosquées dont les musulmans australiens ont besoin, la censure de textes "musulmans" est justifiée, chrétiennes ou athées n'ont pas à se voiler dans les pays musulmans, &c.
Contre, aussi, les "siens"
Diplômé de l'université de Qom, Mohammed Tawhidi s'est mis aussi à dos la majorité du clergé chiite qui soutient la politique iranienne de condamnation d'Israël. "La Palestine est une terre juive", a-t-il osé. L'inverse est sans doute tout aussi vrai (une forte proportion de Juifs a des origines bédouines et autres, de même pour les "arabes israéliens" et autres séfarades inversement) et discutable sempiternellement. Pour le reste, Tawhidi remémore que son père, imam, avait choisi de vivre en Australie. "Si nous avions su que 30 ans plus tard, nous aurions des burqas un peu partout, des mosquées à chaque coin de rue et des personnes pour proposer la charia à la place de la démocratie, nous ne serions pas venus".
Il ajoute : "certains ouvrages doivent être interdits dans ce pays", et il cite le Bukhari car "tous les actes de terrorisme sont enseignés à partir de ce livre". Quant à la rémission des péchés des djihadistes et de 70 de leurs parents, il remarque "je ne savais pas que mon Prophète tenait un restaurant là-haut". Il suggère que les services de renseignement vérifient mieux les comptes des imams et de leurs bailleurs de fonds.
"Où en sommes-nous de l'excision et des mariages précoces ?", s'interroge-t-il avant de dénoncer : "certains musulmans ont plus d'une femme en ce pays (…) retournez d'où vous venez et épousez autant de femmes que vous voulez". Il exhorte aussi le Grand Mufti d'Australie et d'autres à s'exprimer en dépit des menaces : "nous méritons une communauté musulmane qui prenne position contre le terrorisme car c'est là que se situe la frontière ténue avec l'hypocrisie".
Bref, l'Australie chrétienne, agnostique ou athée, tu l'aimes ou tu la quittes… Imam de l'Association islamique d'Australie du sud, Mohammed Tawhidi dit de même concevoir les propos religio-réfractaires et autres. Mais il dénonce la généralisation d'un discours classant l'Islam en "religion très dangereuse". Ce en dépit des nombreuses menaces reçues au nom d'une interprétation différente de l'islam qui se répand et condamne toute remise en cause des textes musulmans qui ne convient pas aux fondamentalistes. Ce qui vaut aussi pour des interprétations sionistes extrémistes. Il faut moderniser la (les) religion(s) en vue d'une adaptation à la société et non l'inverse. "L'islam comporte 73 dénominations, la chrétienté 74, les israélites 72 (…) et il y a deux écoles majoritaires de pensée musulmane, sunnite et chiite," a-t-il résumé, considérant que les chiites, ou du moins Ali, leur référence, ne pose(nt) pas la question du pouvoir séculier de la même manière.
L'Iran n'en est pas moins un État théocratique, même s'il ne se reconnait pas de calife, de même que l'Azerbaïdjan chiite est un pays quasi-dictatorial. Cela ne disqualifie pas le message de Tawhidi que l'on peut qualifier d'œcuménique et même de républicain dans cette "monarchie" de constitution républicaine dont l'idéologie se fonde sur le mateship (fidélité fraternelle ou égalitarisme selon les interprétations) qu'il partage. Il n'empêche que Tawhidi, plaide – en creux – pour un multiculturalisme et multiconfessionalisme institutionnel "à la russe". Au moins n'appelle-t-il pas à la prolifération des "bonnes" mosquées subventionnées. Par rapport à la France, c'est déjà mieux. De même, alors que le Conseil français du culte musulman (aidé financièrement par les contribuables parisiens) ne reconnaît pas "le droit de toute personne à changer de religion" (ou de s'en passer), Tawhidi l'admet clairement ("suivez la religion de votre choix").
Il n'appelle pas non plus à la création d'un collectif australien contre l'islamophobie (CCIF en France, subventionné par les contribuables européens). Il a résolument, depuis son intervention, condamné les attentats subis par les coptes égyptiens en ces termes "que dieu maudisse l'islam radical" (sur son compte Twitter). Qu'il soit entendu par d'autres.