En cause, la polémique qui enfle autour du Centre International de Recherche sur le Cancer, qui l’aurait classé comme cancérigène en se basant sur des études incomplètes.

Le 28 mai dernier, l’Assemblée nationale a rejeté les amendements concernant la Loi Agriculture et Alimentation, pour une sortie du glyphosate en 2021. La substance, principe actif du Roundup de la firme Monsanto, fait en effet débat, même si l’Union européenne a décidé de renouveler la licence de l’herbicide (commercialisé depuis 1974 et utilisé dans 130 pays) pour cinq ans en novembre dernier.

Mais les débats actuels vont encore plus loin que cette future interdiction. Ils pointent désormais du doigt le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer qui dépend de l’OMS), seul à juger, à l’encontre de centaines d’avis scientifiques, que le glyphosate est possiblement cancérigène pour l’homme.

Le hic, c’est qu’il s’appuie notamment sur un rapport qui fait polémique.

Le CIRC dans la tourmente

Depuis 1974, toutes les agences publiques de sécurité sanitaire mondiales ont rejeté un quelconque risque cancérigène dû au glyphosate en tant qu’herbicide. Toutes, sauf une, le CIRC qui lance une alerte en mars 2015, classant le glyphosate comme « cancérigène probable », suivie par de nouvelles expertises internationales qui confirment leurs premiers avis.

De quoi s’interroger : le CIRC aurait-t-il raison ? En réalité, le CIRC se base sur des études de cancérogénicité animale où le glyphosate agirait comme un agent pathogène. Il aurait choisi des études mécanistiques sur des non-mammifères et ne portant pas sur le glyphosate seul, à la différence des autres agences sanitaires.

Le doute est donc permis. Et accentué quand Reuters publie en 2016 une enquête, qui prouve qu’une étude menée par un épidémiologiste américain, Aaron Blair et portant sur 89 000 agriculteurs, n’a pas été prise en compte par le CIRC, alors qu’elle aurait donné des résultats différents à son analyse sur le glyphosate.Le coup de grâce est porté contre le CIRC avec l’affaire des Portier Papers.

L’ancien directeur d’institutions de recherche américaines Christopher Portier et un des principaux conseillers du CIRC concernant le glyphosate, a en effet affirmé le 28 mai 2017 avoir pu « mettre en évidence des cas de cancers du poumon, du rein, du foie, de la peau, de la glande mammaire, de la thyroïde ou des tissus mous »1 sur des rongeurs.

Or, Christopher Portier n’a pas vraiment la légitimité pour faire de telles déclarations : il n’est que statisticien de formation et non toxicologue, salarié d’une ONG environnementale qui mène des campagnes contre les pesticides et qui aurait, de surcroît, été payé entre octobre 2016 et juin 2017 en tant que consultant, par un cabinet d’avocats américain, afin de constituer des preuves suffisantes contre Monsanto en vue d’une plante collective.

Pour la modique somme de 160 000 dollars. Un véritable conflit d’intérêt, reconnu par le principal intéressé. Le scandale éclate, révélé par le site Risk Monger et mettant à mal les conclusions du CIRC. Qui se retrouve non plus seul contre tous, mais seul, tout simplement.

Vers une défiance de la science ?

Un scandale qui profite à une levée de boucliers contre la communauté scientifique amorcée depuis plusieurs années désormais. Un phénomène activé par la prise de paroles de certaines personnalités issues du monde des sciences, mais dont les propos ne reflètent pas la communauté scientifique et qui disposent d’un large réseau de communication, notamment sur Internet, via des vidéos partagées et reprises sur les réseaux sociaux.

« L’expertise scientifique continuellement commentée par les marchands de peur entraîne une paralysie de la prise de décision politique avec pour conséquence un tarissement des recherches en Europe, notamment dans le domaine des biotechnologies », s’inquiète Virginie Tournay, directrice de recherche au CNRS. Pour elle, il faut « penser un nouveau contrat social entre science et société » pour rétablir une certaine confiance du public envers la cause scientifique.

Un point de vue partagé par le Parlement européen, qui souhaite concilier protection envers les citoyens et confiance envers la communauté scientifique. « Si nous décidions de bannir toutes les substances potentiellement cancérigènes, il faudrait commencer par interdire le café, le champagne, le goulasch, le prosciutto, les bières belges et les frites ! Et personne n'aurait le droit de sortir se promener au soleil.

Beaucoup de produits et d'activités seraient interdites. C'est pourquoi, il faut maintenir un certain sens des proportions et comprendre que baser nos décisions sur une évaluation des risques, est une attitude plus responsable et réaliste, que bannir tout ce qui serait potentiellement cancérigène ».