Pendant la récente pandémie mondiale, dix des douze pays où le COVID-19 a le plus tué sont européens. Au 31 août 2020 on dénombre plus de 210 000 décès confirmés en Europe, ce qui correspond à un quart du total de la planète. L'Union européenne a plus que jamais été fermée entre ses pays alors que les économies restent totalement ouvertes. Cette crise rappelle aussi que les populations sont vieillissantes et que la santé n'est pas au coeur des compétences de la Commission européenne. Depuis une dizaine d'années des membres d'un think tank appelé EuroCité oeuvrent pour devenir un incubateur d'idées autour de valeurs communes.
Justice sociale, égalité et lutte contre les discriminations, action pour la paix ou encore mesures pour assurer un développement plus durable, ce think thank est sur tous les fronts pour faire vivre l'Europe. Pour connaître ses actions, Elisabeth Humbert-Dorfmüller, membre du think tank d'EuroCité répond aux questions de Blasting News, pour prendre part au projet BlastingTalks, qui consiste à se concentrer sur les challenges auxquels les compagnies font face lors de l’évolution du monde digital, les profondes transformations socio-économiques et lors de cette période inédite de crise sanitaire.
EuroCité vise une vision pro-européenne de la société qui aspire à une plus grande intégration et solidarité.
Y a-t-il eu un tournant spécifique dans la société ou en politique qui vous a donné envie de créer cette organisation ?
La naissance d’EuroCité a eu lieu il y a plus de 10 ans. À l’époque c’était surtout à l’initiative d’un doctorant en Sciences politiques, Nicolas Leron. Sa volonté était de créer un lieu de débat et de publication pour des jeunes chercheurs ou doctorants.
Aujourd’hui le projet a assez évolué, on s’est plus tourné sur l’Europe vis-à-vis des jeunes, pas seulement sur des sujets institutionnels mais plus sur des sujets de citoyenneté, de culture etc.
EuroCité est un « think tank », un incubateur d’idées. Quels types de projets ou idées souhaitez-vous partager pendant cette période sans précédent ?
Un des déficits que l’on constate dans la perception des citoyens de l’Europe c’est qu’ils considèrent que les gens qui font l’Europe comme les députés européens, on ne connait pas leurs activités ou leur identité. Pendant le COVID-19 nous avons donc eu l’idée de demander à ces députés européens de se filmer pour faire un bilan de l’action de l’Europe pendant cette période de crise sanitaire et éventuellement montrer des pistes pour l’avenir. Une quinzaine de députés ont répondu présents pour ce projet (des Allemands, Autrichiens, Maltais …). Ils ont tous apporté une information différente et c’était une façon originale de faire parler l’Europe.
Dans votre manifeste, vous parlez de "l'Europe comme une réalité politique qui concerne tous les citoyens mais aussi comme un lieu de décision". Que pensez-vous alors de l'état actuel de l'Union européenne au cours des 6 derniers mois? Avec la crise sanitaire, nous avons vu que les pays européens devaient s'isoler pour sauver l'Europe dans son ensemble.
Une certaine méfiance s'est même créée, pensez-vous que les 27 ont tout fait pour protéger leurs intérêts nationaux ?
Oui, c’est tout à fait vrai ils ont eu le réflexe de s’occuper uniquement de leur intérêt. Il faut souligner que la Santé n’est pas vraiment une compétence européenne, elle ne fait pas partie des politiques communautaires. Les pays ont fait ce qu’ils ont pu face à une crise inédite. La mesure la plus destructrice reste la fermeture des frontières. Beaucoup d’Européens l’ont vécu comme un recul fort. Ce n’est en revanche pas la première fois que Schengen a été attaqué, il y a eu la crise du terrorisme et la crise migratoire où les frontières ont été atteintes. L’Union européenne a choisi d’investir dans la communication sur les mesures sanitaires et la recherche vaccinale ou encore l’achat groupé de matériel médical.
Mais cette crise a été quand même un accélérateur pour prendre des décisions pour des crises futures. On ne peut pas dire que l'Europe n'a pas réagi.
Tout le monde peut présenter un projet de contribution pour EuroCité. Pendant la pandémie, avez-vous remarqué un changement dans les propositions ou dans les profils des personnes qui vous contactent ?
On a eu peu de propositions pendant la pandémie. Il y a eu d’abord la stupéfaction où personne n'a rien fait pendant au moins deux mois puis il y a eu des interventions sur les réseaux sociaux d’EuroCité. Nos activités ont été ralenties ces derniers mois mais nous sommes en train de les reprendre.
Ces activités doivent avoir été impactées par la crise du COVID-19 puisqu'elles demandent des rencontres sociales.
Quelles étaient vos alternatives ?
Les évènements ont été annulés bien sûr mais nous avons tenter de continuer "EuroCiné", qui est un projet de projections de films en direction d’un public assez jeune. Nous avons des partenariats avec des universités ou des lycées. Ces projections sont suivies par un débat sur le thème concerné. Nous n’avons certes pas eu accès à la salle pour "EuroCiné", mais nous avons pensé à demander à des intervenants potentiels de se filmer soi-même pour délivrer leur avis sur les films. Le fait de se filmer soi-même est une bonne alternative à tout mais pour rendre notre activité plus vivante, nous trouvons cela intéressant de faire des interviews. Nous avons également reçu des subventions pour interviewer des personnes soit d'institutions européennes, soit d'universitaires, soit des activistes, sur différents sujets européens.
Nous aimerions bien présenter ce projet sous forme de projection publique avec tous les intervenants vers la moitié de 2021.
Rédiger un blog, organiser des conférences, des entretiens avec des députés européens ... vous utilisez plusieurs formules pour susciter de l'intérêt autour de l'institution. Avez-vous le sentiment que les jeunes étudiants se sentent plus concernés par l’Europe que par leurs ancêtres ?
Il y a un intérêt des jeunes pour l’Europe comme il y a une défiance. Les jeunes ne sont pas si différents des plus anciens. On observe une dichotomie à tous les âges: d'un côté les europhiles qui représentent aujourd'hui une (grosse) minorité. Et puis on a les autres, qui sont majoritaires à mon sens, plutôt défiants, et qui ne se sentent pas intéressées par l'Union Européenne.
C’est effectivement inquiétant lorsqu’on considère que l’avenir réside dans la jeunesse.
Beaucoup de penseurs, philosophes, politiques ont imaginé qu'avec une telle crise mondiale, il s'agirait désormais de « repenser le monde après», de revoir nos façons de consommer, de fonctionner, d'échanger. Chez EuroCité, avez-vous de nouvelles perspectives qui ont émergé ?
Chez EuroCité, beaucoup de nos membres font partie du Parti Socialiste Français. Ainsi, sur le plan de la culture, de l’écologie, de la réflexion autour du capitalisme, nous avons discuté de solutions sociales-démocrates en lien avec cette crise inédite. Nous sommes certes proches d'un parti mais sommes prêts à en écouter d'autres. On a remarqué que les thématiques que nous avons toujours évoquées sont devenues d’actualité et parfois primordiales.
On avait eu une contributrice écossaise qui avait parlé de la réduction du temps de travail ou un contributeur français avait écrit toute une série d’articles sur la finance verte. Autant de pistes qui étaient bonnes pour l’avenir. Nous ressentons que les thématiques que nous avions l’habitude d’évoquer avaient toute leur place dans le contexte actuel.