Depuis 2017, cette jeune pousse française basée à Paris est à la fois un traiteur engagé et une école de formation pour des Femmes originaires des 4 coins du monde.
En mettant en lumière ces “Mamas” du monde entier, Meet My Mama permet de véhiculer de belles valeurs de transmission, de respect des savoir-faire et d'ouverture sur l'autre. Via son service de traiteur et son association, ces femmes sont encouragées à devenir des entrepreneures actrices d'une société plus inclusive, responsable et durable.
Pour en parler, dans le cadre du projet BlastingTalks qui donne la parole aux entrepreneurs de demain, Youssef Oudahman, cofondateur de Meet My Mama a répondu aux questions de Blasting News.
Vous semblez attachés aux circuit-court en offrant une cuisine du monde, d’où vous est venue cette volonté de transmettre ces cultures ?
Pour Donia Souad Amamra, Loubna Ksibi et moi, le dénominateur commun est que nous avons grandi avec des femmes qui viennent des quatre coins du monde. De mon côté, cette volonté est née en grandissant auprès de ma maman. Très jeunes, nous avons été frappés par le caractère exceptionnel de ces femmes. Elles créent du lien, et peuvent devenir extrêmement fédératrices autour de différentes cultures. Elles cuisinent pour prendre soin, pour faire plaisir et sont souvent les dernières garantes d’un trésor transmis de mères en filles et ce, depuis des générations. Ces femmes ont également d’importantes notions de volonté de bien s’approvisionner, d’avoir recours aux circuits-courts.
Nous nous sommes demandés pourquoi ces femmes n’arrivaient pas à vivre de la passion. Dans ce secteur de la restauration, 90% des chefs sont des hommes. Ensuite, il y a la barrière de la langue pour certaines d’entre elles. Pour leur permettre de se lancer, on note également un manque de moyens et d’infrastructures.
Avec un tel projet aussi engagé et porteur de valeurs bien définies (éco-responsable, recours à l’industrie locale, ouverture d’esprit), quels messages souhaitez-vous faire passer ?
Ce que l’on pense c’est que ces femmes sont habituées à cuisiner local et ont des connaissances innées à ce niveau de par leur culture. Nous pensons que ce sont ces cheffes-cuisinières qui vont porter ce virage alimentaire et ce changement durable. Elles ont ces valeurs dans l’ADN. Nous avons très tôt mis en place un cahier des charges pour les inciter à acheter via les circuits courts.
En parallèle, nous avons développé un système de formation aux enjeux du développement durable ou des conditionnements éco-responsables. Elles ont été sensibilisées au recyclage et ces ‘Mamas’ s’entraident entre elles. Certaines deviennent spécialistes et permettent à toute la communauté de Meet My Mama de monter en compétences sur ces bonnes pratiques.
À l’heure du COVID-19 où les confinements ont basculé les modes de fonctionnement de la restauration en général, comment vous-êtes vous adapté pour la partie traiteur ?
Dans un premier temps, nous nous sommes assurés que nos ‘Mamas’ avaient toutes un toit. Certaines d’entre elles étaient logées dans des hébergements d’urgence. Il s’agissait de s’assurer qu’elles aient accès aux différentes aides auxquelles elles pouvaient prétendre.
Dans un second temps, nous avons digitalisé toutes nos formations. Selon les cas, c’était parfois une grande première pour ce basculement en ligne et il est aujourd’hui capital dans l’environnement dans lequel nous évoluons, de savoir manier le numérique.
Ensuite en ce qui concerne le service de commercialisation de nos évènements, nous avons eu beaucoup de mal au départ. Ce que nous avons décidé, c’est de créer des ateliers culinaires en ligne destinés à des personnes en manque de lien. Les personnes se connectent en visio-conférence. Les cours sont dispensés par des Mamas qui transmettent la liste des ingrédients en amont.
Également, nous avons lancé “le vendredi de la Mama”. Tous les vendredis, les clients ont la possibilité de commander jusqu’à 48 heures à l’avance, des plats livrés à domicile.
Il s’agit de plats originaires des quatre coins du monde : d’Asie, d’Europe de l’Ouest, d’Afrique, d’Amérique du Sud etc. Enfin, nous livrons désormais aussi les collaborateurs en télétravail directement à leur domicile. Toutes ces activités nous ont permis de prendre le relais.
Peut-on dire que la crise a été un accélérateur pour vous ?
La crise nous a permis d’avancer plus vite. Nous devions rester connectés aux Mamas. Nous avons donc accéléré sur les produits digitaux. Il faut savoir qu’aujourd’hui les Mamas sont équipées avec leurs casques audio, leurs ordinateurs et animent ces ateliers culinaires en direct à la manière du célèbre chef Cyril Lignac sur M6. (dans “Tous en cuisine”, ndlr).
Également, nous sommes en procédure d'enregistrement chez Monoprix pour proposer nos spécialités dans certains magasins de l’enseigne.
Vous accompagnez des femmes vers l’entrepreneuriat et vous les encouragez à devenir actrices de nos sociétés en partageant leurs talents culinaires, comment cela s’organise ?
Aujourd’hui, lorsque nous les formons elles ont le choix : soit elles décident de monter leur entreprise en intégrant notre réseau traiteur, soit elles choisissent de devenir salariées et nous les positionnons auprès d’acteurs de la restauration qui sont nos partenaires. Elles peuvent tout à fait démarrer chez un restaurateur et développer ensuite leur activité. Nous sommes présents pour les accompagner, les former, les sensibiliser et les mettre en valeur.
Qui se cache derrière ces “Mamas” ? Sont-elles uniquement 22, êtes-vous en recherche de nouvelles recrues ? Comment sont-elles recrutées ?
Tout d’abord une 'Mama' n’est pas forcément une maman. Il s’agit de femmes passionnées de cuisine, qui expriment la volonté d’en vivre, et qui partagent nos valeurs. Dans le profil vous allez retrouver des immigrées de première, de deuxième ou de troisième génération. Certaines d’entre elles ont dépassé les 50 ans, d’autres ont à peine 25 ans. Parmi elles, nous avons des jeunes femmes qui n’ont jamais occupé d’emploi. D’autres sont réfugiées, il y a aussi des expatriées diplômées dans d’autres secteurs et qui se retrouvent passionnées de cuisine. Ou encore des 'Mamas' qui sortent de grandes écoles de cuisine.
Aujourd’hui, la communauté de Meet My Mama regroupe 200 femmes. Parmi elles, 70 ont suivi un parcours de formation, 57 ont trouvé une opportunité économique dans le secteur de la food soit en créant leurs entreprises soit en intégrant des structures partenaires. Le reste concerne des femmes en formation ou en phase de sensibilisation. Il s’agit d’activités leur permettant de les resocialiser, d’intégrer la communauté de 'Mamas'.
Pendant la crise sanitaire liée au coronavirus, vos équipes se sont mobilisées pour les plus démunis ( sans-abris, familles en hôtel d'accueil, personnes réfugiées) en livrant 100 repas par jour, 5 jours sur 7, à partir d'ingrédients invendus. Votre action se poursuit-elle encore ?
En effet, nous avons lancé ‘les Mamas solidaires’ via une cagnotte qui a permis le financement de la livraison d’une quinzaine de milliers de repas livrés aux plus démunis. Les cheffes-cuisinières ont pu obtenir un revenu pour la préparation de ces repas ce qui engendre un double impact bénéfique pour tous.
Êtes-vous soutenus par les pouvoirs publics ou des investisseurs privés pour mener à bien un tel projet aussi novateur ?
Absolument c’est le cas pour nos deux structures. L’une d’entre elles a déjà son propre modèle économique. L’association a été financée par des partenaires tels que des fondations privées. Par la force des choses, Meet My Mama devient autosuffisante. En termes de partenaires institutionnels, nous avons discuté avec le ministère du Travail, nous sommes en partenariat avec Pôle emploi ou encore Positiv Planet.
Comment avez-vous entamé cette nouvelle année ? Quelles sont vos perspectives ?
Nous avons la chance d’être en partenariat avec Pôle emploi. C’est pourquoi nous nous concentrons davantage sur l’aspect formation. En 2021, nous devrions être capables de proposer une offre de formation dans 3 à 5 villes en France et pourquoi pas à l’étranger. Nous mettrons un tronc commun accessible en ligne et des programmes de formation en local pour leur permettre de réellement pratiquer la cuisine. Enfin, nous allons représenter la France à l’exposition universelle de Dubaï.