Cette jeune pousse made in France accompagne les villes pour les aider à mieux intégrer toutes les formes de mobilité au sein de leur espace urbain. En leur donnant accès facilement et en toute transparence aux données de mobilité dont elles ont besoin, Vianova fournit une plateforme dédiée pour les municipalités afin de leur permettre d’intégrer, de comparer et d’analyser ces données dans le respect et l’exigence de conformité souhaité par les opérateurs de mobilité. Pour en savoir plus, et en accord avec notre projet Blasting Talks qui donne la parole aux entrepreneurs de demain, le cofondateur et directeur de Vianova, Thibaud Febvre, a accepté de répondre à nos questions.

Vianova tente de favoriser le transfert modal entre les villes en allant vers des moyens de transport plus durables et accessibles. De quels constats êtes-vous partis pour lancer un tel projet ?

Nous sommes trois associés, dont Thibault Castagne (avec qui j’avais déjà fondé une première startup) et Frédéric Robinet (ancien directeur technique chez Renault-Nissan). En 2017, nous avions constaté l’arrivée des premières flottes de vélo en free-floating sur les trottoirs parisiens et dans de nombreuses villes européennes. Tandis qu’il en résultait de nouvelles facilités de déplacement, on s’est rendu compte que cela engendrait en parallèle un certain chaos sur l’espace public. Avec notre première société nous étions déjà dans la mobilité électrique donc nous étions assez exposés à ce sujet.

Rapidement, nous avons remarqué à quel point les villes étaient désemparées face à ce nouveau phénomène et qu’il y avait un chaînon manquant entre la ville et ces nouveaux opérateurs de mobilité. Ensuite à l’été 2018, il y a eu l’arrivée des trottinettes électriques, et nous avons compris que les villes n’avaient pas tiré les enseignements des problèmes causés par les vélos en free-floating : de nouveau elles se retrouvaient à réagir au lieu d’anticiper, et étaient souvent aveugles face à la réalité du terrain.

Pour nous, le diagnostic était assez clair : d’une part il manquait des outils de partage et d’analyse des données de mobilité de ces opérateurs mais surtout, il manquait un tiers de confiance entre la ville et ces opérateurs de mobilités. Autrement dit, un intermédiaire qui favoriserait la collaboration entre la ville et les opérateurs.

Fin 2018, nous avons donc créé Vianova afin de répondre à cette problématique passionnante.

Est-ce que les métropoles européennes en général sont encore trop engorgées par une mobilité complexe ?

Selon moi, les métropoles européennes sont surtout engorgées par un trop grand nombre de voitures individuelles, notamment sur les trajets domicile/travail. Ce que l’on remarque c’est qu’il y a un grand manque d’intégration multimodale de l’offre, c’est-à-dire la possibilité de pouvoir passer facilement d’un mode de transport à un autre dans la même application et avec le même type de transport. Un autre gros problème réside dans le manque d’anticipation et d’accompagnement des besoins des usagers grâce notamment au recueil des données granulaires précises, qui permettent de déployer les infrastructures adéquates.

Aujourd’hui encore, même sur des systèmes de transport public, il y a des collectes de données en entrée mais pas en sortie (e.g. dans le métro parisien). Nous ne sommes pas en mesure de retracer un trajet complet de l’entrée à la sortie dans certains transports publics. La situation est similaire pour les pistes cyclables, des analyses de flux sont faites et les infrastructures physiques ont beaucoup évolué, mais elles sont encore trop souvent déployées sans tenir compte des données disponibles ou de certaines bonnes pratiques européennes.

Qui sont vos partenaires, vos clients ?

Nous avons plusieurs types de partenaires et clients. Bien sûr, nous travaillons beaucoup avec les villes, aujourd’hui une douzaine en Europe : Zürich, Bale, Stockholm, Malmö, Helsinki, Espoo, Northampton, Bruxelles, Milan, Faro et Paris. Nous collaborons aussi avec une trentaine d’opérateurs de mobilité partagée et connectée ainsi que des opérateurs de transports publics à Zürich ou à Bruxelles par exemple. Enfin nous travaillons avec des cabinets de conseil qui nous consultent sur les tendances de mobilités à l’échelle européenne, et de plus en plus, nous sommes également sollicités par des gestionnaires d’infrastructures tels que les aéroports ou les gares, qui cherchent à mieux comprendre les flux à proximité de leurs infrastructures.

Récemment, vous avez levé la somme d’1,8 million d’euros auprès de la RATP. Quel est l’objectif de cette levée de fonds ?

Cette levée de fonds a été réalisée auprès de RATP, Contrarian Ventures et Rebel Group. L’objectif principal est d’accélérer notre développement à l’international avec l’ouverture de nouveaux marchés. Nous sommes une startup française qui a déjà une présence européenne assez forte. Nous avons des bureaux à Paris, Zürich et Londres. Globalement, nous nous intéressons de plus en plus aux marchés américain et sud-américain, ainsi qu’à l’Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient. Ensuite, ces fonds vont nous permettre d’effectuer un certain nombre de recrutements stratégiques, notamment sur des postes d’ingénieur mais aussi de vente.

Enfin, avec la présence de RATP au capital, nous espérons bénéficier sur certains appels d’offres de l’accompagnement d’un acteur majeur, qui connaît bien les marchés publics. Aujourd’hui présent dans plusieurs dizaines de villes et marchés à travers la planète, la RATP est un acteur mondial de premier plan. Un des objectifs consiste également à créer des synergies afin de déployer de nouveaux cas d’usage de mobilité servicielle.

Aujourd’hui, d’après les municipalités qui vous ont fait confiance “les données constituent des outils essentiels de gouvernance” pour elles. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

La nécessité d’une approche fondée sur les données est aujourd’hui reconnue par la plupart des villes européennes.

Ce qui est important quand on collecte des données c’est d’avoir une finalité précise quant à leur traitement : aujourd’hui, ces données servent avant tout à la décision publique. On parle beaucoup de ‘smart cities’ mais aujourd'hui plus que d’innovation on se rend compte que l’on manque surtout de collaboration entre les différents acteurs, qu’ils soient publics ou privés. Hors, ces synergies peuvent être favorisées en grande partie par le partage d’informations, et donc de données. C’est donc toute l’importance de ce partage de données qui permettra de rendre les villes plus intelligentes afin qu’elles puissent prendre de meilleures décisions et offrir une meilleure qualité de vie aux citoyens.

Avec Vianova il est possible de visualiser en temps réel la position de n’importe quel véhicule et de suivre l’évolution de la taille des flottes. Avez-vous d’autres outils qui visent à élargir cette prouesse digitale ?

Au-delà des outils d’analyse de données que nous proposons, nous mettons également à disposition des villes des outils de régulation, planification urbaine et aide à la décision publique.

Ainsi, à travers la plateforme Vianova, les villes peuvent également créer, implémenter, gérer, communiquer et auditer des réglementations digitales directement auprès des opérateurs de mobilités.

Pouvez-vous décrire concrètement les grandes lignes du projet de gestion et d’analyse des flux de logistique urbaine que vous venez d’entamer avec la ville de Paris ?

C’est un projet que nous avons récemment initié avec la Ville de Paris dans le cadre d’un appel à projets lancé par la région Ile-de-France. Les principaux objectifs sont d’aider la Ville de Paris à mieux analyser et comprendre ses flux logistiques, et par la suite de valoriser son bien le plus précieux à savoir l’espace public. Cela correspond notamment à la stratégie de la Ville de Paris en matière de stationnement, et qui en décembre a organisé les états généraux du stationnement, afin d’alimenter et faire évoluer sa réflexion en la matière.

Avec la ville de Paris, nous avons identifié un certain nombre de cas d’usages qui seront développés grâce à la plateforme Vianova, notamment une meilleure connaissance de l’utilisation des aires de livraison, et l’évaluation des types d’usage pour mieux qualifier l’offre de voirie. Au cours du projet, nous allons aussi être en mesure d’analyser les arrêts dangereux et communiquer les zones interdites à la circulation, évaluer l’impact sur la sécurité routière, la congestion, la pollution, et fournir des flux de données open data à la fois à la Ville de Paris et à la Région Ile-de-France. Enfin, nous pourrons auditer la conformité des opérateurs de logistique aux règlements de la ville.

Comment vous-êtes vous adapté à cette crise du COVID-19 ?

Cette crise a été à la fois une contrainte et une opportunité pour nous comme je pense pour la plupart de nos clients et partenaires. Bien sûr nous nous sommes adaptés en termes de télétravail et de rendez-vous clients. Globalement nous avons été agréablement surpris par la capacité de certaines villes à s’adapter très rapidement. Finalement 2020 a été une année plutôt fructueuse, nous avons signé et initié beaucoup de projets, et ce complètement à distance et de manière dématérialisée. En ce qui concerne les opérateurs de mobilité, nous avons pu observer qu’au début de la crise sanitaire et lors du confinement ils étaient en mode survie. Désormais, on constate qu’ils sont aujourd’hui dans une phase de montée en puissance, avec une accélération des levées de fonds et une rentabilité qui augmente progressivement pour certains d’entre eux. Enfin, beaucoup de villes ont profité de cette crise pour adapter et modifier leurs infrastructures, en créer de nouvelles (notamment les “corona pistes”) afin de donner plus de place aux mobilités douces et actives.