Esprit d’équipe et sauver des vies. Deux valeurs, deux objectifs parmi bien d’autres définissent cette biotech marseillaise qui a su s’imposer dans le secteur du diagnostic à l’occasion de la crise Covid. C4Diagnostics est spécialisée dans le développement de tests de diagnostic rapides et performants, permettant de mieux détecter et mieux prendre en charge les maladies infectieuses. Depuis la propagation du virus de la Covid-19, cette équipe d’une vingtaine de salariés a doublé ses effectifs pour participer activement à la lutte contre la pandémie mondiale.

C4Diagnostics a notamment travaillé sur la détection du virus SARS-CoV-2 dans l’environnement. Sur le porte-avions du Charles de Gaulle ou encore au sein du ministère de la Défense, la société a fait ses preuves en matière de surveillance et de prévention face à ce nouveau coronavirus. Pour en savoir plus sur cette biotech ambitieuse, la parole a été donnée à Younes Lazrak, fondateur et PDG de C4Diagnostics, pour le projet Blasting Talks.

La création de C4Diagnostics en 2017 avait pour mission principale d’offrir des alternatives rapides et efficaces dans le diagnostic des maladies infectieuses. Quels sont les éléments de réflexion qui ont poussé les fondateurs à se lancer dans cette aventure ?

Nous avons créé cette société avec deux de mes associés le Dr. Emilie Fugier et le Dr. Sam Dukan en mai 2017 à partir d’un constat. En général, les tests diagnostiques sont soit sensibles, mais onéreux et longs à mettre en œuvre, soit rapides, mais peu sensibles. Notre volonté, c’est de réconcilier le meilleur des deux mondes.

Nous voulons impulser un changement dans la pratique médicale en offrant aux professionnels de santé des solutions diagnostiques significativement plus rapides que celles existantes, sans compromettre la qualité et la fiabilité du résultat diagnostique. Outre la meilleure prise en charge du patient, nous sommes convaincus que ces tests constituent un levier puissant pour lutter contre l’antibiorésistance, aujourd’hui largement due à la prescription abusive d’antibiotiques « réflexes » en attendant les résultats diagnostiques.

Quelle touche, quelle empreinte personnelle vient apporter C4Diagnostics face à d’autres concurrents qui proposent aussi leur savoir-faire sur ce type de diagnostic ?

Notre ADN, notre marque de fabrique, c’est de conjuguer rapidité et fiabilité du résultat diagnostique. Pour cela nous nous appuyons sur une technologie brevetée et propriétaire de C4Diagnostics : la chimie-click. Cette technologie nous permet de rendre visible les bactéries responsables d’une infection en les « allumant » avec des sondes fluorescentes. Nous veillons également à développer des tests clé-en-main et faciles à utiliser.

Votre secteur d’activité était initialement centré sur le diagnostic des maladies infectieuses d’origine bactérienne.

Toutefois, depuis le mois d’avril 2020, vous avez proposé des outils efficaces de détection du virus SARS-CoV-2 ? Comment avez-vous organisé votre participation à la lutte contre cette pandémie mondiale ?

Comme tout le monde, notre activité et nos programmes de recherche et développement ont été impactés par la pandémie de Covid-19. Nous avons levé le pied sur nos programmes initiaux et avons, dès mars 2020 et avec le soutien de nos partenaires et investisseurs, décidé de mobiliser nos ressources et notre savoir-faire pour lutter activement contre la pandémie.

Nous avons été appelés par le Bataillon des Marins-Pompiers de Marseille pour prendre part à des campagnes de surveillance sanitaire de la Covid-19 sur des sites aussi stratégiques que le ministère de la Défense ou le porte-avion Charles De Gaulle.

Nous avons également enrayé à leurs côtés les clusters de Covid-19 dans un réseau d’EHPAD du bassin méditerranéen grâce au dépistage de la Covid-19 à partir d’eaux usées. Nous avons par la suite collaboré avec des sites industriels et plusieurs collectivités convaincus de cette approche pour endiguer la propagation du virus.

Par ailleurs, en 12 mois à peine, et en collaboration avec l’Institut Pasteur et les laboratoires Synlab Provence, nous avons développé et obtenu le marquage CE d’un kit de diagnostic salivaire, rapide et de performance comparable à la fameuse RT-PCR, pour diagnostiquer le SARS-CoV-2 chez l’homme.

En avril 2021, votre capacité de production était de 15.000 tests salivaires pour détecter la Covid-19, vous envisagiez de grimper à 80.000 cet été, où en est la production à l’heure actuelle ?

Nous sommes en mesure de proposer le test C4Covid-19 Human depuis le mois d’avril 2021 et notre ambition est, en effet, de pouvoir étendre la production actuelle : notre objectif pour cet été est d’atteindre les 80.000 tests. D’ailleurs, depuis le premier confinement, nous avons agrandi notre équipe considérablement en embauchant 25 personnes et nous nous sommes installés au technopole Château Gombert pour industrialiser notre activité.

Justement, quels bilans retenez-vous de cette crise sanitaire au niveau de votre société, de la gestion de vos équipes, comment avez-vous vécu les différents changements opérés dans notre société ?

Cette crise sanitaire a été révélatrice de l’agilité de notre entreprise, de la cohésion de l’équipe et de notre résilience, mais surtout de notre capacité à rebondir et à transformer une crise en opportunité.

Nous étions une start-up et aujourd’hui nous sommes une biotech au stade marché. Nous avons atteint un momentum dans l’histoire de notre entreprise dans un contexte covidien. Rien n’aurait été possible sans les personnes qui ont travaillé sans relâche pour faire que C4Diagnostics s’en sorte par le haut. Ce que je retiens, c’est aussi le travail de l’ensemble de notre équipe que je suis aujourd’hui fier de vous présenter et notre objectif reste finalement le même. Quand j’ai créé C4Diagnostics je voulais avoir une histoire à raconter à mes enfants et mes petits-enfants et je suis très satisfait de ce que nous sommes capables de faire pour les patients.

Vous avez affiché une volonté de devenir expert dans ce domaine, voire de faire partie d’un des leaders mondiaux du secteur.

Que peut-on dire de cet objectif après 4 ans d’activité ? La crise a-t-elle eu un effet accélérateur ?

Oui, nous pouvons dire que notre activité a été accélérée par l’effet de la crise. Nous nous sommes forcés à agir vite et avons fait preuve d’une certaine flexibilité pour proposer une solution d’abord au niveau régional puis national et bientôt international. À travers la pandémie, nous nous sommes construit une image d’experts dans le dépistage de la Covid-19, que ce soit chez l’homme ou dans l’environnement. Reste à transformer l’essai pour démontrer que nous sommes également des spécialistes du diagnostic de maladies infectieuses d’origine bactérienne.

Sur quels projets travaillez-vous pour cette nouvelle année qui promet certes un retour à la normale grâce à la vaccination générale, mais qui restera de loin ou de près probablement impactée par ce nouveau virus ?

Aujourd’hui nous capitalisons sur la reconnaissance, mais aussi sur l’expertise acquise à travers la Covid-19, pour accélérer le développement de nos solutions diagnostiques pour la légionellose, les infections urinaires et les antibiogrammes.

Moins connue du grand public, la légionellose comporte pourtant des symptômes assez similaires à ceux de la Covid-19. En réalité, il s’agit d’une maladie d’origine bactérienne, encore rare, mais qui progresse rapidement avec près de 20% de nouveaux cas par an. Une première version de notre kit diagnostic devait être mise sur le marché en avril 2020. La Covid-19 a déjoué nos plans et nous en avons profité pour développer une V2 plus performante pour laquelle nous démarrons prochainement les essais cliniques.

En ce qui concerne les infections urinaires, on estime qu’elles touchent près de 150 millions de personnes par an. Notre objectif est simple : réduire significativement le délai du diagnostic de manière à éviter la prise d’antibiotiques « réflexes » à large spectre, souvent prescrits dans l’urgence pour calmer la douleur et commencer à traiter le patient, alors qu’au final l’infection n’est avérée que dans 30% des cas.

Nous développons également un test de susceptibilité aux antibiotiques qui permet de savoir à quel antibiotique un micro-organisme est sensible et à quelle concentration. En améliorant leur prescription - le bon antibiotique, au bon patient, à la bonne dose –, nous avons pour volonté de lutter contre l’antibiorésistance.