C'est assurément l'un des plus grands exploits sportifs de tous le temps. Car depuis Wimbledon 2012, Federer, unanimement considéré comme le plus grand tennisman de l'histoire, n'y arrivait plus. Trois fois depuis, il avait disputé une finale de Grand Chelem (Wimbledon 2014 et 2015, US Open 2015). Trois fois, Djokovic lui avait barré la route.
Absent des courts depuis l'été et une demi-finale perdue de peu contre Raonic à Wimbledon, le Bâlois, 35 ans et demi, a débarqué à Melbourne physiquement affûté, tel un mort de faim aussi, mais sans certitudes quant à son niveau de jeu.
Dans ce tournoi qu'il avait jusqu'à ce dimanche remporté à 4 reprises, la première il y a 13 ans, la dernière en 2010, "Fed" n'en a pas moins épaté la galerie, s'appuyant sur un service de plomb et plus encore sur un revers à l'efficacité pleinement retrouvée. Un revers digne de celui, plébiscité par tous les puristes, de son compatriote Wawrinka. Beaucoup plus souvent frappé à plat, dans la diagonale, et face auquel ni Berdych, ni Nishikori, ni le susnommé Wawrinka n'ont su trouver la parade.
Federer-Nadal, l'indémodable classique
La finale contre Nadal est un classique du tennis. Federer-Nadal, c'est Alain Prost contre Ayrton Senna, ce sont les Beatles face aux Rolling Stones. C'est une opposition de style digne des Borg-McEnroe et Sampras-Agassi d'antan.
Un duel à la testostérone qui manquait cruellement aux amateurs de la balle jaune, davantage habitués ces dernières années à des Djokovic-Murray plus aseptisés.
Le taureau majorquin et le métronome helvète se sont retrouvés ce 29 janvier, près de 6 ans après leur dernier duel en finale de Grand Chelem. L'un et l'autre n'en menaient pas large quand, il y a 3 mois, l'aîné, touché au genou, visitait son cadet, blessé au poignet, au moment de l'inauguration de son académie.
L'un et l'autre avaient mis un terme prématuré à leur saison 2016 et aucun parieur n'avait anticipé un "revival" pour la première finale de Grand Chelem de la saison.
C'était sans compter sur leur talent, tout aussi intact que leur soif de victoires. Face à "Rafa", "Rodger" n'était pas favori. Il ne l'avait plus battu en Grand Chelem depuis près de 10 ans, il était mené 23-11 dans leurs confrontations et il ne l'avait jamais dominé à Melbourne en trois rencontres.
"Fed" l'a pourtant fait, au terme d'une partie de haut(e) vol(ée), d'une intensité émotionnelle rare, et avec, cerise sur le gâteau, le culot de défier le plus souvent Nadal dans sa filière longue (6/4, 3/6, 6/1, 3/6, 6/3). Exploitant toutes les balles un peu courtes de son adversaire, tenant parfaitement le rythme du fond du court, le Suisse, intraitable au service, s'adjugeait le premier acte avant de s'emmêler quelque peu les crayons en coup droit. Désormais bien rentré dans le match, plus résistant derrière sa ligne, "Rafa" recollait en liftant davantage et en profitant de quelques mauvais choix adverses avait de dominer le début de la troisième manche.
C'est alors que "Fed" enclencha la surmultipliée, sauvant 3 balles de break d'autant d'aces, avant de ravir 2 fois le service de Nadal, plus bousculé que jamais, et incapable d'installer son jeu.
De moins bonne facture, le quatrième set vit surtout le Suisse enchaîner les fautes.
Baisse de forme physique ? Les adducteurs sifflaient, la cuisse droite était douloureuse et "Rodger" cédait sa mise en jeu d'entrée de cinquième manche. D'aucuns le voyaient incapable de remonter son retard, malgré pléthore de balles de débreak qu'il ne parvenait pas à convertir. Il refit pourtant son retard moyennant force coups gagnants. Donné pour mort, le Phénix renaissait de ses cendres pour ensuite prendre une nouvelle fois le service de Rafa. 5-3. L'Espagnol obtint deux balles pour revenir à 5-4, mais "Fed" serra une nouvelle fois le jeu avant de conclure la partie sur un dernier coup droit gagnant pleine ligne, alors que le taureau de Manacor avait demandé le challenge.
Fed martyrisé, Fed parfois outragé, mais Fed libéré. Pour le plaisir de tous.