"S’il n’en reste qu’un, je serais celui-là" a chanté Eddy Mitchell. Il ne croyait pas si bien dire, car avec la mort de Dick Rivers qui a suivi Johnny Hallyday dans les flammes de l’enfer des rockers des années 60, il reste donc le dernier qui a véritablement popularisé le rock'n'roll en France. Une période où l’Amérique voulait dire liberté, grands espaces, western et Elvis Presley.
Dick Rivers vient de mourir à l’âge de 74 ans, cela veut dire qu’il a vécu la naissance d’une nouvelle catégorie d’âges. Ce sera les « teen-agers » ou comme on le dit en France "les ados".
La société reconnaît en eux la prochaine catégorie sociale qui va porter le dynamisme économique des 30 glorieuses.
Un teen-ager français fan de Elvis Presley
Parmi eux, on retrouve tous les fans du rock'n'roll américain de la fin des fifties, dont Dick Rivers fait partie avec la coiffure "banane" qui deviendra une houppette un peu plus tard, la guitare électrique, les grosses voitures et les vinyles qui vont remplir les Juke-box. Les noms et les premiers titres des chansons de ces artistes sont directement influencés par le rêve américain. Le pseudonyme Dick Rivers est tiré du nom du personnage que joue Elvis Presley dans Loving you. De son vrai nom, Hervé Forneri, est né le 24 avril 1945. Fils unique d'un couple de commerçants niçois, cet enfant de l'immédiate après-guerre, découvre une Amérique de cartes postales à travers les libérateurs que sont les militaires américains installés jusqu'en 1966 dans une rade pas loin de Nice, sur la Côte d’Azur.
Il découvre surtout Elvis Presley, qu’il aura la chance de rencontrer après un concert à Las Vegas en 1969. En attendant, avec quelques amis, il crée un groupe "les chats sauvages ". Rapidement, le groupe sort un premier 45 tours en 1961 car les producteurs de Pathé Marconi sont à la recherche de jeunes talents pour embrayer sur le succès d’une nouvelle vague qui va bouleverser la scène de la chanson et ringardiser de vieux artistes d’avant-guerre.
Dick, comme ses camarades ne sont pas dans la réflexion, mais dans l’action. Il n'a alors que 15 ans quand il enchaîne avec son groupe les adaptations de classiques américains. Ce sera par exemple Est-ce que tu le sais ?, version frenchy de What I'd say de Ray Charles. Ce premier album de 1961 est un succès immédiat, grâce en partie au charisme Dick Rivers toujours glissé dans une veste en cuir.
Cependant, le Rock and roll apparaît un peu trop brut et sauvage, il faut domestiquer ces jeunes loups, on va trouver un ersatz plus malléable et convenable pour une société française qu’il ne faut pas trop bousculer, ce sera le Twist. Les Chats sauvages enregistrent donc "Twist à Saint-Tropez", le titre sera leur plus grand succès en avril 1962.
Une carrière solo respectable pour un éternel rocker
Telles des cigales, qui ne chantent qu’un été dans l’arrière-pays niçois, les Chats sauvages, comme les Chaussettes noires d'Eddy Mitchell, connaissent un succès grandissant, volent de concerts en concerts et se séparent pour disparaître. La folie est finie, la récupération est en cours et les lendemains seront durs pour de très nombreuses cigales du rock 'n' roll.
Il est temps de dire « salut les copains. »
Dick et Eddy ont un peu plus de chance et de talent, ils entament avec Johnny une carrière solo. Dick Rivers cultive son image de rocker, et ne quitte pas son blouson de cuir et santiags. Il assume ses choix, quitte avec le temps à devenir ringard et décalé. Pour lui le rock, c’est une attitude, un choix de vie, il reste autant Dick. Avec l’âge, il se fait d'avantage crooner et il va mener une carrière sereine avec quelques titres phares et de bien belles collaborations. Il chante avec Gérard Manset, Alain Bashung, rejoint sur scène Francis Cabrel, pour interpréter des classiques du rock. Plus récemment, on le retrouve aux côtés de chanteurs d'une autre génération comme Axel Bauer, ou Benjamin Biolay.
Il joue même avec ses idoles comme Chuck Berry et Jerry Lee Lewis dans divers festivals. En tout cela représente plus de cinquante ans de carrière et une trentaine d'albums et des centaines de concerts.
Comme il faut bien vivre, il fera un peu de cinéma, il écrit deux romans et il anime des shows radio. Toujours très prude Dick, sur sa vie privée, il ne s'était pas épanché sur sa maladie. Son cancer n'était connu que par son entourage proche.
Dick Rivers a donc pris à tout jamais la route de Memphis, il a franchi le pont, pour de bon. Et "si tu n'es plus là", il y aura toujours des "Mamans qui n'aimeront pas sa Musique" et d'autres qui affirmeront "qu'il n'y a rien que toi".