Le pinyin, ( 拼音 ; Pīnyīn ; P'in¹-yin¹ ; P'in-yin, selon Wikipedia), adopté tant en République populaire qu’à Formose (Taïwan) permet de transcrire non seulement les chinois des Hans mais aussi les langues et parlers sino-tibétains des autres populations de la Chine utilisant pour l’écrit des sinogrammes. C’est aussi un système ‘’pivot’’ permettant de transcrire diverses graphies vers d’autres (le cyrillique, par exemple), peut-être aussi vers le rōmaji utilisé pour transcrire le japonais. Peut-être, car mon vernis de linguistique et de traitement automatique des langues occidentales (romanes et autres) ne me permet guère, n’étant nullement sinisant, de faire preuve de cuistrerie ridicule (pas forcément une redondance).

Il se trouve juste que le décès de Zhou Youguang me remémore une anecdote quelque peu en rapport avec ces questions linguistiques. Je surveillais l’épreuve de langues rares lors d’un concours. Le règlement voulait que ne soit utilisé qu’un seul dictionnaire. Parfait pour la plupart des langues occidentales ; les candidats pouvaient opter soit, par exemple, pour un dictionnaire d’anglais des affaires ou un plus généraliste. J’avais devant moi une candidate option japonais, d’autres options arabe ou langues slaves (russe, ukrainien…). La nipponisante avait posé trois dictionnaires, la plupart des autres deux gros volumes (mettons A à K, K à Z). Une surveillante, contrôleuse retraitée de la RATP privant les doctorants de petits boulots, le prit mal.

J’essayais de lui expliquer la complexité hors de sa portée. Elle finit par me faire expulser (et bannir de toute surveillance de concours de l’Éducation nationale) et pu procéder au tri. Un seul ouvrage pour le japonais, la moitié d’un dictionnaire en deux volumes pour les autres. Saisir de l'incident la Société des agrégés, qui me donna raison, ne servit strictement à rien et j’imagine que la pionne sévit encore.

Mon sort fut largement plus doux que celui de Zhou Youguang, emprisonné deux ans au cours de la Révolution culturelle, peut-être pas pour avoir inventé le pinyin, possiblement en raison de sa formation à la Saint John’s University de Shangaï, puis au Japon, et d’avoir été expert économique auprès de Zhou Enlai (ex-Chou en-Lai selon l’ancienne translittération occidentale).

J’évoque cette minuscule anecdote en espérant que la postérité de Zhou Youguang puisse égaler cette d’un Napoléon (entre autres) et que celles et ceux prônant le retour à une historiographie identitaire, donnant plus d’importance à un Louis IX (car devenu ‘’saint Louis’’ ?) qu’à un Lavoisier puissent y trouver matière à réflexion. L’historiographie sert aussi à rendre ceux qu’on entend dominer plus ignorants et dociles et éviter qu’ils ne bouleversent la hiérarchie qui vous arrange… Il ne me déplaît (ou déplait, why not?) pas non plus qu’ici et ailleurs, Zhou Youguang voisine avec Kim Kardashian à laquelle je souhaite une aussi longue vie.

Nécrologie comparée

La médialogie devrait aussi, estimerai-je, s’intéresser à la nécrologie comparative.

Déjà, de son vivant, Zhou Youguang valait beaucoup moins de pages dans les encyclopédies francophones qu’anglophones. On pourra comparer l’importance respective de ses nécrologies et obituaries en diverses langues (puis avec celles de ''célebs''). Il naquit en janvier 1906, dans une famille lettrée mais pauvre. À Tokyo et Kyoto, il fut influencé par l’économiste marxiste Hajime Kawakami. Les conflits lui firent prendre le large vers New York et Londres. Bref, un parfait cosmopolite interlope, comme les dénonçaient tant le stalinisme que les maréchalistes français. Il aurait pu devenir un George Soros, il choisit de revenir en Chine communiste, et devint un apparatchik quelque peu (trop) dissident.

Libéré, pouvant se consacrer à l’écriture et à la traduction de la Britannica, il fut l’un des plus fermes critiques de l’autoritarisme du PC chinois. Il est mort à 111 ans. L’esprit critique est peut-être aussi bon conservateur que les antioxydants.