Les spécialistes peinent à s'accorder sur leur dénomination : mémoriaux citoyens, monuments éphémères ou encore autels spontanés. Il s'agit de ces gestes par lesquels hommes et femmes, proches ou non des victimes, viennent déposer dans l'espace public des fleurs ou des objets en hommage aux victimes d'une mort violente. Ce fut le cas après les attentats de Paris en novembre 2015. C'est aussi le cas sur les lieux d'un accident de la route où l'on retrouve régulièrement des fleurs et autres objets quelques mois plus tard. Si ces comportements nous semblent évidents, ils s'inscrivent dans une tradition ritualisée : déjà au moyen-âge les lieux de morts violentes étaient marqués d'une croix expiratoire ou commémorative.

Mais depuis une quarantaine d'année, ces autels spontanés dressés en hommage aux victimes ne se limitent plus à leur simple dimension commémorative.

Dénoncer une mort injuste

Sur ces autels spontanés ont retrouve des fleurs, des peluches, des graffitis ou encore des objets symboliques qui envoient un message allant au delà de l'hommage. Par les objets et messages qui le composent, l'autel dénonce l'injustice d'une mort. Par exemple lors des attentats de Nice, des peluches ont été déposées pour rappeler l'innocence des enfants victimes d'un massacre sans nom. Participer à un mémorial spontané ne se limite que très rarement au simple hommage et envoie presque toujours un message. En ce sens, l'autel dressé le long d'une route suite à un accident montre des signes de protestation contre les violences routières en plus de rendre hommage à la victime.

Finalement, ce qui est déposé sur l'autel dépasse toujours le "souviens-toi".

Des vélos fantômes

Que font ces vélos couverts de peinture blanche sur les trottoirs de certaines grandes avenues ? Accompagnés de photos, de fleurs et parfois de textes, ils envoient un message clair : un ou une cycliste a perdu la vie ici. Le vélo fantôme est non seulement là pour lui rendre hommage mais aussi, et surtout, pour rappeler cette mort à la conscience de tous.

Cette forme de mémorial a sans doute vu le jour à Saint-Louis (USA) en 2003. Malgré ce que l'on pourrait croire, elle n'était pas à l'initiative de la famille mais d'un cycliste témoin de l'accident et soucieux de protester contre les conduites à risques de certains automobilistes. Reprise dans d'autres villes, cette initiative a reçu un accueil d'autant plus favorable que les cyclistes représentent une opposition face à la culture de l'automobile. Ici encore, l'autel dressé comporte une dimension dénonciatrice.