Les manifestations récentes devant l’Ambassade de Libye par les populations noires de France sont intéressantes pour la mémoire de la lutte contre l’esclavagisme. On a souvent reproché, et c’est la réalité, à l’Europe (dont la France) d’avoir organisé le commerce des esclaves à partir des pays comme le Sénégal. La plupart des Sénégalais, mais aussi des Congolais, soustraits à leurs pays, ont été exportés vers les Amériques du Nord et du Sud au 17ième et 18ième siècle. Le problème est que le monde oublie trop souvent qu’avant les européens, les Arabes dès les 8ème et 12ème siècle ont participé à l’esclavage en Afrique.

L’esclavage occidental a été transatlantique alors que celui du monde arabe est resté cantonné à l’intérieur de l’Afrique. Celui-ci n’est pas terminé car, dans certains pays africains de culture musulmane où les arabes maures sont au pouvoir en Afrique de l’ouest, les relents de discrimination et d’esclavage continuent. Ces pays se reconnaîtront et le monde diplomatique sait comment ces pratiques d’esclavagisme ont cours dans ces pays. Il faut distinguer dans le cas présent la pratique des passeurs et celle d’un Etat libyen non existant. Avec Kadhafi, il y avait d’autres problèmes comme la confiscation de la démocratie mais il arrivait à négocier avec les Occidentaux le départ massif des migrants vers l’Europe en partant de la Libye.

L’Europe, dont la France sous mandat de l’ONU, est allée au-delà des prérogatives internationales en évinçant Kadhafi. Il lui faut donc assumer les conséquences de ses actes non réfléchis. La question fondamentale demeure aujourd’hui : comment lutter contre l’esclavagisme des temps modernes des migrants africains en Libye ?

Pourquoi les migrants africains sont-ils traités comme des esclaves en Libye ?

L’histoire des peuples est assez intéressante car, malgré la coopération entre les Etats et les institutions régionales qui organisent la coopération inter-étatique en Afrique, les préjugés demeurent.

Il y a un effet de rappel historique selon lequel les populations noires ont toujours été dans l’histoire les souffre-douleurs des populations arabes régnantes aux 8ème et 12ème siècles et des populations occidentales à partir du 16ème et du 17ème siècle. Les populations noires ont été islamisées et christianisées sans qu’elles aient leur mot à dire.

Il y a eu des révoltes de la part de ces populations africaines mais étouffées dans le sang par les régimes politiques arabes et occidentaux. A Paris, il y a eu une manifestation face à l’Ambassade de Libye. Le Président en exercice de l’Union africaine, Alpha Condé, Président de la Guinée, a dénoncé les pratiques libyennes, mais cette dénonciation n’a pas été répercutée à l’échelle mondiale et planétaire. Au total, tout le monde s’en fout. Ce n’est pas très grave, ce ne sont que des noirs. Le problème est que l’Etat libyen n’existe pas, il est complètement exsangue depuis la mort de Kadhafi. Malgré tout, il y a un embryon d’Etat en Libye et l’Union africaine devrait mettre cet embryon d’Etat au ban de la communauté internationale en leur demandant de faire le ménage au sein de leurs rangs.

L’Union africaine est en train de rater l’occasion unique d’affirmer la souveraineté des peuples et la nécessité d’affirmer les droits de l’homme et de l’humain

L’esclavage a été aboli depuis fort longtemps en Occident mais en dans certains pays d'Afrique de l'ouest et du centre il demeure. Certaines organisations non gouvernementales en Afrique de l’ouest et dans d’autres pays d’Afrique essaient de lutter contre les pratiques esclavagistes. En Afrique centrale, certains pays traitent les pygmées de l’Afrique équatoriale comme des esclaves et ces pays-là se reconnaissent. L’esclavagisme des migrants africains en Libye montre que l’esclavage arabe n’a pas disparu et, malgré les positions de l’Union africaine, il y a toujours un impensé idéologico-raciste entre noirs subsahariens et arabes d’Afrique du Nord.

Sans le dire, les Arabes d’Afrique du Nord, malgré les contorsions idéologiques et les embrassades fraternelles, considèrent la plupart des noirs de l’Afrique subsaharienne comme inférieurs à eux. D’ailleurs, si ce n’était pas le cas, on n’assisterait pas à la scène filmée par CNN qui montre des noirs de l’Afrique subsaharienne vendus pour 700 dollars. Il reste aux Etats africains noirs d’avoir une bonne gouvernance pour donner des emplois à leurs populations. C’est bien beau de crier au loup, comme le fait Alpha Condé Président en exercice de l’Union africaine, en stigmatisant les pratiques d’un autre âge, encore faut-il que la bonne gouvernance dans les pays africains sédentarise leurs populations en leur évitant le mirage d’une migration vers l’Europe et qui passe par la Libye.