Le média africa24.info affirme que la Russie a intimé l'ordre à la France de mettre fin au système monétaire qu’elle impose aux pays francophones d’Afrique occidentale (8 pays) et d’Afrique centrale (6 pays). La Russie, selon le site, estime que la Zone Franc est inique, coloniale et empêcherait les pays africains d’un développement durable. Cette information est-elle réelle ou un fake new à laquelle la France aurait répondu, toujours selon le site web africa24.info. La France, selon le Ministre des Finances, « ne se fera pas dicter la politique africaine par la Russie.
Le Franc CFA est très important pour la trésorerie française et si la Russie veut une guerre économique, elle l’aura. ». Si on suit africa24.info, il n’est pas question, pour la France, de laisser ses ex-colonies avoir leur propre Monnaie, même si on sait que les pays africains doivent déposer 50% de leurs réserves de change auprès du Trésor français afin de bénéficier du parapluie monétaire et de la transaction avec l’euro. Ce débat sur le Franc CFA est ancien/nouveau. Il oppose les intellectuels africains détracteurs du Franc CFA et ceux qui estiment que les pays africains sont trop faibles pour espérer avoir une monnaie en nom propre.
Ce que ne dit pas africa24.info
On peut se demander quelles sont les sources de ce média et quelle est la pertinence de la demande russe à la France de sortir de la zone Franc ?
Que vient faire la Russie dans les problématiques monétaires entre la France et ses ex-colonies ? Même si la Russie contribue aujourd’hui au réarmement de certains Etats africains, comme la République Centrafricaine confrontée à la rébellion et aux groupes terroristes, il est assez difficilement concevable que, pour des raisons typiquement politiques, la Russie vienne au secours des pays africains.
La Chine, qui devient un partenaire très important pour l’ensemble des pays africains, s’accommode parfaitement du Franc CFA et utilise d’autres instruments politico-économiques et financiers pour asseoir son monopole naissant. Quels sont les intentions de ce site web ? Jusqu’où va sa complaisance pour parler au nom de la Russie, sans mener des investigations et des études approfondies pour comprendre que les relations entre la France et ses ex-colonies ne sont pas uniquement monétaires mais politiques, géopolitiques et géostratégiques ?
Il est intéressant de faire du buzz, encore faut-il éviter les fake news qui peuvent se retourner contre ceux qui tiennent des informations discutables. Il suffit de décliner les raisons pour lesquelles certains pays, membres de la zone Franc, ne souhaitent pas sortir de cette zone monétaire.
Déclinaison de quelques raisons pour lesquelles les pays africains, membres de la zone CFA, ne souhaitent pas en sortir
- La zone Franc, au-delà de son aspect monétaire, est un système politique et géopolitique qui lie la France à ses anciennes colonies car la France, par son armée, contribue à la stabilité régionale des différents membres de la zone Franc au moment où ceux-ci sont guettés par la menace terroriste. C’est vrai de la force Barkhane au Mali et au Tchad.
- La corruption, la mauvaise gouvernance et l’amplification des dettes dans la plupart des pays francophones, constituent de mauvais alibis de sortie en sifflet de la plupart des pays membres de la zone Franc. Cette sortie aurait pour effet de les priver de l’apport de la France comme parrain dans leur négociation avec le Fonds monétaire international, comme on le voit en ce moment dans la plupart des pays francophones.
- Les expériences monétaires hasardeuses de souveraineté monétaire, aujourd’hui au Zimbabwe, hier en Guinée Conakry (en 1958) et dans la RDC (ex-Zaïre) valident la théorie de la réserve et de la prudence.
- L’immaturité économique (absence de diversification économique, maintien des économies rentières, absence d’industries de transformation et de produits manufacturiers, absence de professionnels et de techniciens de haut vol sur les marchés financiers internationaux et de négociation des produits et des matières premières, absence de techniciens et de scientifiques de haut niveau capables de défendre les intérêts des pays francophones dans les domaines pointus de titrisations sur les marchés financiers et sur la connexion marché monétaire/marché financier) est un frein réel pour une indépendance monétaire, même si elle est indispensable à long terme pour une souveraineté pleine et entière. Il faudra apporter des réponses concrètes et pratiques aux absences indiquées précédemment. On peut avoir sa monnaie en propre, mais s’il faut dans le même temps faire circuler dans le pays deux cours légaux, sa monnaie et une monnaie étrangère comme le dollar ou l’euro, cela n’en vaut pas la peine.