Le gouvernement a brutalement changé de position vis-à-vis de Benoît Hamon, alors que jusqu'ici les ministres soutenaient massivement Manuel Valls. On observe cette mutation dans l'évolution des éléments de langage utilisés. En effet, par loyauté, les ministres ont accepté de se ranger derrière le vainqueur de la primaire de la gauche, et ont donc sensiblement modifié leur discours sur le bilan du quinquennat et sur les mesures que doit prendre la gauche. En revanche, d'autres ne se sont toujours pas résignés à devoir soutenir un ancien frondeur, et ont décidé de ne pas faire campagne pour lui, voire, parfois, de soutenir Emmanuel Macron.
Loyauté des ministres
Ce matin, sur France Inter, le ministre de l'économie était interrogé par Patrick Cohen sur le chiffre de la croissance dans l'année 2016, un peu inférieur à l'objectif fixé de 1.4%. Ce fut l'occasion pour lui de rejeter la ligne qui avait toujours été celle du gouvernement, et de proclamer qu'il fallait cesser de parler en termes de croissance, laquelle ne dit rien de l'emploi réel en France, notamment. La croissance, c'est l'augmentation annuelle du produit intérieur brut, mais elle ne vaut rien si elle ne s'accompagne pas systématiquement d'une baisse du chômage. Bref, il a demandé d'arrêter de courir après la croissance, qui de toute manière allait sous peu devenir une utopie.
Selon lui, plus jamais aucun pays d'Europe n'ira au-dessus de 3% annuels de croissance, et c'est un fait vérifié par les économistes.
Incroyable volte-face, qui reprend le même vocabulaire et les mêmes arguments utilisés par Benoît Hamon, vainqueur de la primaire de la gauche ! Hasard ? Certainement pas. D'ailleurs, Patrick Cohen a souligné ce changement brusque de discours, qui rappelait désormais davantage celui de l'ancien frondeur.
Le ministre de l'économie a souligné que ce n'était pas pour rien, et qu'il apportait son soutien plein et entier à la candidature du député des Yvelines. Bien entendu, l'ensemble du cabinet des ministres a posé ses conditions : il faut assumer le bilan, être fier de ces 5 ans passés sous l'administration de la gauche, sinon le rassemblement est impossible.
Les ministres ont simplement oublié un détail : entre assumer totalement le bilan et le critiquer, il y a un juste milieu. Benoît Hamon, justement, souligne qu'à bien des sujets ce quinquennat a fait de belles choses : sur l'écologie, avec la COP21, sur la santé, avec la généralisation du tiers-payant, sur le social, avec la retraite à 60 ans et l'exonération d'impôt sur le revenu pour 12 millions de ménages les plus modestes. En revanche, sur d'autres, le bilan est condamnable : la loi travail, qui a facilité les licenciements et entraîné la baisse de rémunération des heures supplémentaires, la loi Macron, qui a permis le travail le dimanche ainsi que la libéralisation des autocars, la déchéance de nationalité, l'usine nucléaire de Fessenheim, l'aéroport Notre-Dame-des-Landes, etc.
Nouvelle fronde d'autres élus
Ce faisant, les anciens détenteurs de la ligne officielle du parti sont devenus les nouveaux frondeurs. Ils ont refusé catégoriquement de soutenir le projet de Benoît Hamon, qu'ils jugent trop critique envers l'action du gouvernement, et ont invoqué un droit de retrait. Autrement dit, les sociaux-libéraux refusent de faire campagne pour lui, et se désistent déjà. Cependant, ils n'en sont pas encore tous à annoncer leur ralliement à Emmanuel Macron, et une telle initiative serait véritablement condamnable. Mauvais perdants, ils refusent d'obéir à la règle de la primaire, parce que ce n'est pas leur candidat, Manuel Valls, qui l'a emportée. En tout cas, ce renversement de situation dans le PS va permettre une clarification de la ligne idéologique. La nouvelle ligne officielle est le projet de Benoît Hamon, et la manière dont il envisage le monde d'aujourd'hui, avec la révolution numérique et la raréfaction obligatoire du travail.