L'entrée en campagne du Front National et de ses lieutenants a été entachée par l'agression du journaliste du 'Quotidien', qui demandait simplement des précisions concernant l'affaire des 300 000€ dus au Parlement européen. Ce qui est arrivé avait fait scandale, et la direction même de la campagne s'était retrouvée embarrassée, à devoir justifier que les vigiles qui avaient provoqué la sortie musclée du journaliste n'étaient pas employés par leur formation.
Car, bien entendu, les vigiles salariés par le Palais des Congrès mettent à la porte tous ceux qui oseraient critiquer Marine Le Pen. De ce fait, on essaye désormais, au FN, d'avoir des relations détendues avec la presse et les médias. D'où les mots d'ordre et les premiers éléments de langage du parti : cohérence et prudence.
Cohérence
Dorénavant, les élus FN devront défendre le programme de Marine Le Pen. Défendre le programme, par-dessus tout, c'est défendre les propositions de Marine Le Pen et d'elle seule. Autrement dit, il ne faut pas laisser aux journalistes une seule occasion d'affirmer qu'il y a désorganisation dans les troupes de l'eurodéputée.
Pourquoi ? Parce que c'est déjà arrivé, et cela fait mauvaise presse. En effet, depuis la rentrée 2016, invitée sur des plateaux télévisés, sa nièce, Marion Maréchal-Le Pen, se distinguait du reste du parti en ce qu'elle souhaitait la fin du subventionnement des organisations liées à l'IVG pour, à terme, mettre définitivement fin au droit à l'avortement. Contre la ligne officielle du parti défendue par Florian Philippot et sa tante, elle affirmait que le FN proposerait des mesures strictes contre l'avortement, alors que ce n'est pas le cas. D'ailleurs, on a bien ressenti l'inimitié entre le numéro 2 du parti et la nièce de Marine Le Pen.
Le critère de cohérence est donc surtout lié à une exigence de ne laisser paraître aucune ambiguïté.
Chacun doit s'imprégner du programme pour le défendre point par point, sans en faire une interprétation autre que celle voulue par la matrone du FN. Autrement, le parti est accusé de manquer de cohérence, ou de ne pas être homogène. Or, cela le ferait baisser dans les intentions de vote.
Prudence
Cela va de soi, le FN veut être prudent après l'incident du journaliste du 'Quotidien', et apaiser ses relations avec les médias. En effet, personne ne veut être gouverné par un parti violent, qui empêche par la force qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit. Car beaucoup de Français ne votent pas FN simplement du fait qu'ils soient inquiets que l'Etat ne devienne alors totalitaire, sous le joug des nationalistes.
Il ne faut surtout pas entacher l'image du FN, qui, justement, veut de plus en plus se modérer pour rassurer et plaire. Telle est la stratégie de dédiabolisation amorcée par Marine Le Pen depuis l'éviction de son père.
Donc, le programme du FN doit être cohérent, mais aussi prudent. En d'autres termes, il ne doit pas se montrer extrême, ni radical. Il doit cependant se démarquer des projets des partis traditionnels, en proposant une autre vision de la France. Car si la modération rassure, l'extrémisme et le populisme plaisent aussi par les temps qui courent. Donc, sur le droit à l'avortement, par exemple, il ne faut pas proposer purement et simplement sa suppression. De plus, Marine Le Pen ne veut pas remettre en cause l'état de droit, malgré l'urgence terroriste.
De même, il n'est plus question de faire revenir la peine de mort, etc. Concernant les affaires dans lesquelles Marine Le Pen est empêtrée (le financement par une banque russe, les 300 000€ dus au Parlement européen, etc.), chacun devra pouvoir répondre aux questions des journalistes à ce sujet sans faire de polémique.