On eut, dans Le Figaro, Aurane Reihanian, attaché parlementaire de Laurent Wauquiez, éreintant la presse et dénonçant le parquet financier qui se livrerait à "une tentative de coup d'État". Négligeable. Mais il y eut surtout l'étonnante tribune libre de Pierre Avril et Jean Gicquel, deux respectés manuélistes. Qui furent abondamment évoqués lors de la conférence de presse des avocats du Penelopegate.
Sans entrer dans les détails de leur argumentation, portant essentiellement sur les tâches des assistants parlementaires, voyons donc. Oui, il y a une certaine latitude d'interprétation du contrat de travail, mais c'est très balisé par l'Assemblée et le Sénat.
Battus en brèche
Les avocats du Penelopegate ont menti sur les précédents (au moins deux, plus ceux à venir) relatifs au chef de poursuites de détournements de fonds publics. Selon eux, aucun précédent. Dans les faits, deux, sans requalification des poursuites. En audience, l'avocat peut dire un peu n'importe quoi, on le lui concédera. En conférence de presse, l'effet de surprise peut jouer, mais quand à l'examen, cela ne passe plus, il faut le marteler.
Quant aux fuites invoquées, que dame et sieur Fillon portent plainte contre x… pouvant être des policiers, des magistrats, des greffiers, &c. Rappelons qu'on attend toujours leur promise plainte en diffamation contre Le Canard enchaîné. Reste l'argument de la séparation des pouvoirs. Un autre constitutionnaliste, le Pr Dominique Rousseau, vient de s'exprimer sur "Le Blog des invités de Mediapart" (tel Régis Desmarais donnant le coup d'envoi du candidat "antisystème" nouvelle formule, avec des enzymes dedans, cinq principes actifs en un). Il rappelle, comme tout le monde, l'art. 26, découlant du Serment du Jeu de Paume : impossible de faire mettre sous écrou un parlementaire pour ce qu'il propose en séance (je résume), mais il peut être mis en examen et placé sous contrôle judiciaire.
Cette dernière mesure ne s'impose guère dans le cas du couple Fillon, qui s'expose quand même à dix ans d'emprisonnement et une amende rendant impossible l'entretien du château de Beaucé. Entre un vote, l'expression publique d'une opinion, et l'utilisation d'un crédit, il existe une différence de nature. "Soutenir le contraire revient à dire que la Nation en la personne de son représentant peut utiliser les fonds publics à d'autres fins que le service de la Nation". On pourrait s'en tenir là, tout est dit (ou plutôt redit). J'ai déjà aussi invoqué la révision de 1995 et l'art. 705 du code de procédure. Je ne m'étais pas penché sur l'art. 432-15 (si ce n'est rapidement) du code pénal. Dominique Rousseau le fait et conclut aussi qu'invoquer une "irresponsabilité" du fait d'une absence d'autorité publique est un subterfuge dans le cas d'un parlementaire.
La question posée aux époux Fillon reste entière et "ne porte atteinte ni au principe de la séparation des pouvoirs, ni à la dignité du mandat de parlementaire". Mais surtout, "ni aux droits constitutionnels des citoyens", ajoute à très juste titre Dominique Rousseau. Or, ce que les Fillon (enfin, on aimerait entendre Mes Fillon Marie et Charles sur les dires de leur père) veulent faire avaler, c'est qu'ils n'ont à répondre que devant la Nation. Parce que tout le détail n'intéresserait qu'une presse haineuse et que, déjà, sur 4,4 millions d'électeurs (dont de gauche ou du FN ayant considéré que François Fillon était l'adversaire le plus fragile, du fait de son programme), plus de 66 % se sont exprimés pour François Fillon, mais beaucoup se sont depuis ravisés.
C'est exactement ce que Donald Trump rétorque : j'ai gagné, je n'ai plus de comptes à rendre. C'est faux, et le parquet financier le maintient. Parquet dont ils veulent faire croire qu'il est l'émanation de Ch. Taubira et du Syndicat de la magistrature. On assiste, depuis la tribune de Régis Desmarais, à une double argumentation : presse et parquet sont de connivence et illégitimes, Fillon serait le candidat antisystème adoubé. Donc, circulez.